Un pack emploi/logement pour aider les jeunes à « décohabiter »

Quatre bailleurs opérant sur le territoire de Plaine Commune, dont CDC Habitat, ont choisi de mener une expérimentation collective autour d’un pack « emploi/logement » à destination des jeunes. Isabelle Cosyns, responsable du service du Développement Social et Urbain de CDC Habitat, revient sur l’importance du lien emploi/logement.

Pourquoi est-il important d’aborder en même temps les questions d’emploi et de logement ?

On dit souvent que pour avoir un logement il faut un emploi, et que pour avoir un emploi il faut un logement. Derrière l’image un peu facile d’un cercle « vicieux », il y a une réalité indéniable : il est plus simple de trouver un logement quand on a un salaire régulier pour payer son loyer. C’est d’ailleurs pour cela que de nombreux bailleurs comme CDC Habitat mènent régulièrement des actions sur le terrain en faveur du retour vers l’emploi des locataires qui s’en sont éloignés, quel que soit leur âge. C’est une manière de traiter de façon durable la question de l’insertion de ces publics et de les remettre dans une dynamique positive.

En quoi ce lien emploi/logement est-il encore plus fort pour les jeunes ?

Quand on regarde le vécu des jeunes, la question du logement est encore plus prégnante. Parce qu’ils vivent le plus souvent chez leurs parents et que, sans emploi, il est difficile pour eux de se projeter vers une plus grande autonomie. Surtout, trouver un emploi n’est pas toujours suffisant pour quitter le domicile familial aujourd’hui, d’autant plus en Île-de-France où les loyers restent élevés et où l’on peut rapidement se trouver très loin de son lieu de travail. Sans oublier les tensions sur le marché du travail qui font que beaucoup de jeunes préfèrent ne pas partir immédiatement, parce qu’ils ne sont pas sûrs de garder leur job – et globalement parce qu’ils ont peur de l’avenir. On voit même des couples avec enfants en bas âge rester comme ça chez les parents de l’un ou de l’autre.

C’est pour cela que vous avez choisi de travailler autour de la décohabitation des jeunes ?

Oui. C’est pour nous à la fois une manière de lutter contre la suroccupation dans notre parc et de fluidifier les parcours résidentiels. Nous avons commencé à travailler en 2019 avec l’USH et Plaine Commune Habitat, puis du fait de la pandémie, l’expérimentation s’est prolongée et a désormais été élargie cette année à deux autres bailleurs – Sequens et ICF Habitat La Sablière. C’est un territoire où il y a beaucoup de familles et de jeunes qui vivent sous le seuil de pauvreté, dans des appartements suroccupés. Les projets ANRU et NPNRU s’y succèdent depuis plusieurs années et l’essentiel du parc est utilisé pour le relogement des locataires dont les immeubles vont être démolis – ce qui laisse peu de possibilités pour les jeunes de décohabiter.

Comment fonctionne cette expérimentation ?

Il va y avoir 4 sessions dans l’année, chacune animée par un bailleur différent, et réunissant environ une quinzaine de jeunes – environ 3 ou 4 identifiés par chaque bailleur par session. Nous nous concentrons sur les jeunes diplômés, avec un niveau allant de Bac+2 à Bac+5, qui ne trouvent pas d’emploi ou alors seulement des postes sous-qualifiés pour leur niveau d’étude. C’est extrêmement décourageant de ne trouver que des petits jobs ou pas de job du tout, alors qu’ils ont suivi des études qui ont parfois demandé de réels sacrifices financiers à leurs parents. Nous avons travaillé avec les conseillères en économie sociale et familiale et les chargés de gestion locative pour identifier des jeunes dans ces situations, afin de leur proposer un accompagnement plus poussé dans leur recherche d’emploi. Nous leur offrons une remise à niveau complète, avec ateliers collectifs et coaching individuel renforcé : l’idée est de leur donner les bons outils, de remotiver ceux qui en auraient besoin, mais aussi de faire le lien avec des entreprises partenaires dans le cadre par exemple de « job dating » ou avec d’autres dispositifs d’aide à l’emploi.

Et pour le volet logement ?

Une fois leur projet professionnel abouti, avec l’obtention d’un CDI si possible, ces jeunes vont automatiquement rentrer en processus de recherche de logement chez nous. L’idée est de continuer à les accompagner pendant plusieurs mois, jusqu’à la décohabitation mais aussi pendant leurs premiers pas en autonomie – afin d’éviter les ruptures de parcours. De la même manière, sur la soixantaine de jeunes qui vont être accompagnés sur cette première année, un quart est en Master et en recherche d’alternance : là aussi, l’idée est de les aider à se loger près de l’entreprise où ils vont effectuer leurs stages. Le fait que nous soyons présents dans toute la France nous permet d’ailleurs de leur proposer un éventail de solutions plus large et même de lever un frein psychologique : partir de chez soi et pourquoi pas quitter sa ville ou l’Île-de-France devient une option. C’est une manière d’ouvrir le champ des possibles.

Olivier Klein (au centre), ministre délégué chargé de la Ville et du Logement