Handicap invisible : Julie nous livre son témoignage

Julie Manceron, intervenante sociale témoigne : "Chez CDC Habitat, nous offrons un environnement de travail bienveillant à nos 10 000 collaborateurs et la possibilité d'agir concrètement."

Alors que la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées commence, nous vous proposons de découvrir le témoignage de Julie Manceron, intervenante sociale, ayant un handicap auditif, officiellement reconnu en 2015. A travers cet entretien, elle revient avec nous sur son parcours, sa vision du handicap et la façon dont nous pouvons lutter ensemble contre les stéréotypes. 


Pourriez-vous revenir, en quelques mots, sur votre parcours professionnel et votre entrée au sein du groupe CDC Habitat ? 

J’ai commencé par travailler dans un centre communal d’action sociale (CCAS). Ensuite, j’ai pris un poste de conseillère en insertion professionnelle dans le cadre d’un chantier d’action d’utilité sociale, qui comprenait un important volet d’animation sociale. 

Forte de cette expérience, j’ai postulé chez Adoma par le biais d’une candidature spontanée. J’ai donc rejoint le Groupe en 2013, en tant qu’intervenante sociale. Cela fait donc 10 ans, que je travaille au sein du Groupe. Depuis mon arrivée, j’ai eu l’opportunité de travailler sur plusieurs dispositifs à destination des demandeurs d’asile et sur différentes villes près de chez moi dans l’Oise (60). 

Comment avez-vous porté votre handicap à la connaissance de l’entreprise ? 

Ce qu’il faut savoir, c’est que je n’étais pas déclarée “travailleur handicapé” avant d’intégrer Adoma. Ce n’est que 2 ans après mon arrivée, à la suite de multiples examens, que les médecins ont reconnu mes problèmes d’audition comme un réel handicap. 

Il m’a fallu quelques semaines pour digérer cette information – parce qu’on ne va pas se mentir, c’est quand même un choc de se dire qu’on devient officiellement handicapée à 23 ans – puis quelques mois pour faire les démarches administratives nécessaires à la reconnaissance du statut (RQTH*). 

Finalement, j’ai assez vite accepté la chose et considéré que mon handicap n’était pas un problème. C’est vrai que, même si je suis appareillée depuis, ça ne se voit pas. Il était donc facile pour moi d’en parler à mes collègues, puis aux RH. 

Votre handicap a-t-il demandé un aménagement de poste ? Si oui, qu’a mis en place l’entreprise pour vous accompagner dans votre quotidien ? 

Du fait de mon handicap, je ne suis pas concernée, à proprement parler, par l’aménagement de poste, car je n’ai pas besoin de modifier l’ergonomie de mon espace de travail ou d’adapter mes horaires. 

Mais au-delà de cette question d’aménagement, à partir du moment où j’ai déclaré mon handicap, j’ai pu bénéficier d’une prime, de chèques CESU et, dans mon cas très précis, j’ai également pu faire financer mes appareils à la fois par des organismes dédiés et, pour majeure partie, par les dispositifs mis en place par Adoma. Ça a été d’une aide précieuse pour moi. 

Les résidents auprès de qui vous travaillez perçoivent-ils votre handicap ? Est-ce un sujet que vous êtes amenée à aborder avec eux ? 

Alors, ils ne le perçoivent pas du tout. Par contre, avant d’être appareillée, il y avait beaucoup de moments d’incompréhension. Parfois les gens me disaient bonjour ou me parlaient et je ne leur répondais pas car je ne les entendais pas. Une fois un résident s’est même plaint à mes collègues, en disant « Julie, quand on lui parle dans le couloir, elle ne répond pas” et ça m’avait touchée. Et ce qui peut encore compliquer les choses, c’est qu’aujourd’hui, même avec mes appareils, il m’arrive de ne pas entendre, en fonction de certaines situations, configurations ou endroits. 

Pour éviter les déconvenues, dès que je rencontre une nouvelle personne, je lui dis que j’ai un problème aux oreilles, que je n’entends pas bien. Et cette transparence me semble d’autant plus importante que je suis en lien avec un public de demandeurs d’asile, qui me partagent leurs parcours et me confient des pans intimes de leur histoire, souvent difficiles. Si je ne les informais pas de mon handicap, ils ne comprendraient pas pourquoi je leur demande de répéter, de parler plus fort. Ils ne comprendraient pas pourquoi lorsqu’ils baissent un peu la voix, lorsqu’ils mettent leurs mains devant leur bouche ou touchent des papiers, cela m’épuise et m’empêche de les entendre correctement. 

Leur ayant dit, je peux leur rappeler gentiment et avec humour que leur intervenante sociale, « est sourde » ! Ça pose un cadre de relation plus équilibré, plus humain, basé sur la confiance. En soi, ça a l’avantage de faciliter la communication et c’est essentiel dans mon métier. 

Selon vous, comment pouvons-nous collectivement déconstruire les stéréotypes liés au handicap ? 

Peut-être en faisant plus de prévention, en démystifiant le sujet. 

Oui, on peut être handicapé et que ça se voit. Oui, on peut être handicapé et passer inaperçu. Oui, on peut ne pas être déclaré handicapé, mais avoir un handicap. Oui, on peut se sentir handicapé par quelque chose et ça ne sera jamais reconnu comme un handicap. Donc finalement, je suis convaincue que tout le monde peut, à son échelle, comprendre ce qu’est un handicap. Je viens de faire une formation où j‘ai appris qu’1 adulte sur 2 est confronté au handicap au cours de sa vie. En fait, la plupart des gens ne se rendent pas compte que demain ça peut être eux. 

Alors oui, ce n’est pas drôle. Peut-être qu’un jour, je serai sourde. Ça me demande de m’adapter, ça demande aux personnes qui m’entourent de s’adapter, mais on s’adapte sur plein de choses dans la vie. 

Je parlais aussi de prévention et je me suis fixée mon propre objectif : celui de dire. Par exemple, quand j’entends des réflexions qui me semblent déplacées, j’essaie de faire réagir la personne sur ce qu’elle vient de dire, généralement avec humour, pour qu’elle se rende compte. Et je pense que si tout le monde fait ça, on donne des clés à chacun pour mieux appréhender le handicap. 

Pour terminer, si vous aviez un message à adresser aux personnes en situation de handicap qui rencontrent des freins à se déclarer en entreprise ou à candidater à certains postes, quel serait-il ? 

Déclarer son handicap, je l’ai vécu, a finalement beaucoup d’avantages, qu’ils soient relationnels ou financiers. Je pense qu’il ne faut pas avoir honte de ce que l’on est, car c’est notre force. Je comprends ceux qui n’ont pas envie qu’on leur colle l’étiquette “handicapée”. C’est vrai que moi, ça ne me gêne pas, et j’espère que mon témoignage encouragera certains à oser. 

Après, il faut tempérer. Ce n’est pas parce que tu te déclares RQTH auprès de l’entreprise, que tout le monde est obligé de le savoir. Moi, j’aurais pu seulement en parler à la RH, et point. Ton manager, tes collègues, peuvent très bien ne pas être au courant. C’est juste un choix que j’ai fait moi, pour que ce soit plus facile dans mon quotidien et celui des autres. Ça me sécurise aussi je crois. Libre à chacun de créer l’environnement qui lui convient. 

* RQTH : reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé