La Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique, une formation artistique ambitieuse pour tous

La Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique, une formation artistique ambitieuse pour tous

La Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique est une formation artistique pluridisciplinaire où l’on apprend à chanter, danser, jouer sur scène. Cette école, unique en France, permet à des jeunes venant de tout milieu de se former aux arts de la scène tout en poursuivant leur scolarité. La Maîtrise est née de l’ambition de sa fondatrice, Sarah Koné, de rendre la musique classique accessible au plus grand nombre. CDC Habitat lui apporte son soutien depuis 2019. Rencontre à l’Opéra Comique (Paris 2e) durant une répétition.

« Cette école est née de l’envie de pluridisciplinarité et de métissage dans la musique classique »

Sarah Koné
fondatrice de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique

Ce jeudi 17 décembre 2021, les 115 élèves de la Troupe de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique sont tous présents sur scène pour la répétition finale du spectacle de Noël. Le spectacle de fin d’année est le seul moment où tous les élèves sont ensemble sur scène. Adèle, une ancienne « maîtrisienne » qui fait maintenant partie d’une compagnie de danse à Londres, est venue spécialement pour participer au spectacle qui mélange les genres (chant choral, danse et claquettes), à l’image de l’esprit de pluridisciplinarité qui a animé la création de la Maîtrise, par Sarah Koné (voir interview en encadré). Cette musicienne a créé en 2016 La Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique, une structure unique en France, pour les jeunes de 8 à 25 ans, et qui utilise tous les arts de la scène au service du chant.

« Notre cursus est très exigeant, explique Marion Nimaga-Brouwet, Déléguée générale de la Maîtrise, et comporte un grand nombre d’heures de cours. Mais il vise aussi l’épanouissement des élèves, leur passion artistique, la confiance en soi et la gestion du corps. »  Les élèves de la Maîtrise suivent une scolarité en horaires aménagés, de l’école élémentaire au post-bac, dans trois établissements parisiens publics.

En scène 30 à 40 jours par an

La pluridisciplinarité est la spécificité de la Maîtrise. Les élèves suivent des cours de technique vocale, de chant choral, de danse, de Formation musicale Dalcroze[1], de claquettes, de théâtre, de piano et de chansigne (la langue des signes au service de l’interprétation de chansons). Les activités artistiques sur scène sont également au cœur de la pédagogie. « Ils montent sur scène 30 à 40 jours par an », confirme M. Nimaga-Brouwet. Chaque année, les élèves de la Maîtrise participent en effet à un grand nombre de spectacles et de projets artistiques. Ils sont sollicités également pour des événements nationaux. Le 30 novembre 2021, le chœur de la Maîtrise a interprété la chanson « Dans mon Village » lors de la cérémonie d’entrée au Panthéon de Joséphine Baker. A l’occasion de la Coupe du Monde de rugby 2023, qui se déroulera en France, des centaines d’enfants descendront dans les stades pour interpréter les hymnes nationaux avant les matchs. Depuis septembre 2021, la Maîtrise est chargée de mettre en place le dispositif de recrutement et de formation de 26 chœurs dans les territoires. Déjà, les élèves de la Maîtrise répètent régulièrement ces hymnes.  

Détecter les talents partout

La mixité sociale est aussi un des grands principes du recrutement de la Maîtrise. Pour l’intégrer, deux voies sont possibles : des auditions sur candidatures, ou la détection de talents dans les REP (Réseau d’Éducation Prioritaire). Entre 30 et 40 élèves sont recrutés chaque année.  « Notre volonté est d’accueillir tout le monde et de réunir des jeunes qui viennent de tous les milieux pour intégrer un projet pédagogique de troupe. Nous écoutons entre 400 et 500 éleves par an. La moitié des élèves entrant en 6e sont recrutés en REP », précise la Déléguée.  Dans le cadre des recrutements en REP, la Maîtrise s’est déplacée à Saint-Ouen, Bagneux, Ivry et à Créteil en 2022. Quelles qualités faut-il pour intégrer la Maîtrise ? « Du talent, de l’envie et de la motivation avant tout », affirme M. Nimaga-Brouwet.

Au-delà de son soutien financier, CDC Habitat s’est engagé à relayer les dates des auditions ainsi que l’actualité de la Maîtrise par voie d’affichage, dans ses résidences situées dans ces zones REP et REP+, pour encourager ses jeunes locataires vers cette voie d’excellence artistique.

L’organisation de la scolarité

Les élèves de premier cycle sont scolarisés au collège François Couperin (Paris 4), tandis que les élèves de second cycle suivent un double cursus, au lycée général Georges Brassens (Paris 19) ou au lycée professionnel l’Abbé Grégoire (Paris 5). Depuis septembre 2018, un 3ème cycle post-bac est ouvert et accueille une dizaine d’élèves dont le talent permet d’envisager une professionnalisation. Et depuis 2019, la Maitrise a ouvert un cycle préparatoire, la pré-maitrise, pour des élèves de CM1et CM2, scolarisés à l’école de Tanger (Paris 19e).

Les enseignements artistiques sont tous réunis sur un même site rue François Miron, dans le 4e arrondissement.

Rencontre avec trois jeunes « maîtrisiens »

Léon (10 ans), Ramatoulaye (13 ans) et Maxence (17 ans), expriment leur enthousiasme et leur fierté d’appartenir à La Maîtrise. Ils racontent comment ils ont intégré cette formation et leur meilleur souvenir de jeunes artistes.

Léon est en pré-maîtrise : il intègrera la Maîtrise en 6e après avoir passé une nouvelle audition qui semble le stresser un peu.

« Ma mère m’a convaincu de passer l’audition car j’aime beaucoup chanter. J’ai hésité car je ne souhaitais pas quitter mon école. J’étais très impressionné par l’audition mais tellement content d’avoir été pris. Je n’ai pas de regrets d’avoir quitté mon école même si mon emploi du temps est très chargé. Le plus difficile est d’apprendre à vivre ensemble, à respirer ensemble. La première fois où j’ai entendu les plus grands chanter, cela m’a bluffé et donné envie de chanter un jour comme eux. »

Maxence est en Terminale et entame sa 7e année à la Maîtrise qu’elle a connue grâce à la Compagnie sans père (créée par Sarah Koné en 2008, et partenaire du collège François Couperin). Elle pratiquait déjà la danse et le théâtre avant d’intégrer la Maîtrise.

« Je comprends ce que ressent Léon. Au début ce n’est pas évident d’être entourés de 100 personnes. A la Maîtrise, le rôle des plus grands est aussi d’aider les plus petits par le tutorat.

Intégrer la Maîtrise m’a permis de compléter ma formation avec le chant. Les auditions se sont professionnalisées au cours des années. J’ai passé la mienne devant deux personnes et aujourd’hui il faut passer deux tours, avec de la danse, du théâtre.

Mon meilleur souvenir c’est le Festival d’Avignon. J’ai joué dans Thyeste mis en scène par Thomas Joly, au Palais des Papes en 2018 pour l’ouverture du festival. Nous étions dans les chœurs : une expérience formidable de deux semaines avec des comédiens professionnels.

Tous les matins je suis à la maîtrise et tous les après-midis au lycée. Le plus compliqué est de rattraper les cours mais on ne peut pas lâcher, on tient et j’ai réussi pendant 6 ans. »

Ramatoulaye, 13 ans, a été recrutée dans le cadre d’une audition dans son école à Ivry-sur-Seine. C’est sa deuxième année à la Maîtrise.

« Je chantais beaucoup c’est pour ça que j’ai eu envie de passer l’audition. Et mon meilleur souvenir est d’avoir été prise. J’ai participé au concert organisé en langue de signes : chanter et faire des signes en même temps c’est difficile. Je rate parfois des cours pour les répétitions mais une assistante d’éducation est là pour nous aider à rattraper. »  


Entretien avec Sarah Koné, Directrice de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique

© Quentin Croisard – Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique

Vous êtes la fondatrice de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique. Comment ce projet s’est-il formé ?

Cette école est née de l’envie de pluridisciplinarité et de métissage dans la musique classique. Quand j’étais enfant, pour tisser la vie de musicienne que je voulais il a fallu que j’aille puiser mes apprentissages à plusieurs endroits. Mon rêve, était celui d’une école artistique pluridisciplinaire, comme dans les pays anglo-saxons, qui n’existait pas en France et surtout pas pour le genre qui m’était cher, l’Opéra.

Quand j’ai fait mes études au Conservatoire supérieur, je me suis rendue compte que j’étais la seule fille en classe de direction et la seule métisse. Mon projet est devenu politique, au sens noble : j’avais envie de pouvoir donner aux petites filles et aux petits garçons l’exemple d’un visage différent dans le monde musical. Quel autre outil que l’école de la République peut donner ces outils-là à des enfants venus de partout ? La Maîtrise est née comme cela.

Le projet s’est doublé d’une rencontre essentielle à sa réussite, ma rencontre avec Olivier Mantéi, ancien directeur de l’Opéra Comique. Il a tout de suite compris le langage de la pluridisciplinarité et il a eu l’audace de me faire confiance en me donnant les moyens pour accompagner l’ambition artistique de ce projet. La Maîtrise ce sont des enfants qui chantent et dansent bien ensemble. Les petits peuvent rêver de devenir comme les plus âgés. L’exemplarité est essentielle dans la progression.

Quelles sont vos relations avec l’Éducation Nationale ?

Le projet ne peut fonctionner qu’avec l’Éducation nationale. Il est important de proposer aux familles un projet artistique qui ne soit pas en plus de l’école mais intégré dans le temps scolaire. Sinon la pratique artistique redevient une activité élitiste qui oblige à accompagner les enfants en dehors de l’école. Nous sommes partenaires de l’école sur le modèle de sports études par exemple.

Et avec les familles ?

60% de l’effectif de la Maîtrise est issu d’établissements en REP. Les familles sont très différentes : certaines très familières des pratiques culturelles et d’autres qui ne comprennent pas l’aventure dans laquelle s’embarquent leurs enfants. Il est essentiel pour nous d‘échanger avec toutes les familles : pour pouvoir nourrir la mixité, il faut en prendre soin. Les enfants qui n’étudient pas dans leur école de secteur rencontrent des camarades qu’ils n’auraient jamais rencontrés dans leur trajectoire scolaire. Des amitiés se sont créées tout au long de leur parcours scolaire.

Après quelques années de fonctionnement de la Maîtrise, quel premier bilan tirez-vous ?

Je suis fière de nos élèves et de leur capacité à se mobiliser pour des spectacles ou des événements. Je pense au Festival d’Avignon, en 2018, où nous étions présents avec 40 enfants pour Thyeste, mis en scène par Thomas Jolly. Et je pense aussi aux entrées au Panthéon de Simone Veil et de Joséphine Baker. Nous sommes très sollicités car de vrais talents se développent grâce à notre cursus.

Aujourd’hui je rêve de créer un internat pour accueillir ceux qui viennent de loin et je souhaite développer le 3e cycle d’études.

En 2021, CDC Habitat et le Théâtre National de l’Opéra Comique ont signé la poursuite de leur partenariat, initié en 2019, en soutien à la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique. A travers ce mécénat, CDC Habitat apporte son soutien financier sur trois ans à la Maîtrise Populaire, pour développer ses projets. Ce partenariat s’inscrit naturellement dans la continuité de la mission sociale de CDC Habitat pour contribuer à l’égalité des chances d’accès à la culture dans les quartiers prioritaires.

Sur le site de La Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique, découvrez une sélection de photos et de vidéos qui donnent accès à la richesse et la diversité des spectacles et des événements de cette jeune troupe, fière de montrer son excellence artistique. 

Et sur http://www.instagram.com/maitrisepopulaire

© Quentin Croisard – Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique

[1] (une pédagogie musicale qui repose sur trois matières principales (la Rythmique, le Solfège, l’Improvisation)