Écogestes, nouveaux usages : comment accompagner les locataires ?

Tri des déchets, propreté, incivilités :
CDC Habitat expérimente plusieurs dispositifs de ‘nudge’ en Île-de-France
pour aider les locataires à adopter de meilleurs comportements.

Les bailleurs n’ont pas attendu que le terme de « vivre ensemble » s’impose dans le débat public pour chercher la meilleure manière de favoriser une cohabitation harmonieuse au sein de leur patrimoine. Au-delà de la qualité des logements, des résidences et plus largement du service apporté aux locataires, de nombreux sujets qui peuvent venir parasiter la vie collective et les relations de voisinage sont suivis de près – à l’instar des jets ou dépôts intempestifs de déchets qui font partie des sujets récurrents que les gestionnaires doivent traiter.

Entre 2019 et 2020, CDC Habitat a d’ailleurs piloté une étude interbailleurs autour de cette question et portant sur les 9 villes de Plaine Commune afin de comprendre les raisons qui pouvaient pousser les gens à se comporter de la sorte. « Il est ressorti de ce travail que de nombreux facteurs intervenaient et que les gens qui jettent leurs déchets n’importe où ne le font pas tous pour les mêmes raisons », précise Isabelle Cosyns, responsable du DSU (développement social urbain). «Il y a parfois une part de facilité, mais cela peut-être également pathologique. Certains savent clairement ce qu’ils font alors que d’autres ont simplement l’impression de bien faire et ne se posent même pas la question de changer leurs habitudes.»

Villejuif : des « nudges » pour changer ses habitudes

Le local poubelle de la résidence les Roses Rouges

Pour sensibiliser les locataires, plusieurs dispositifs sont actuellement déployés sur le terrain comme à Villejuif (94) où un système de « nudges » a été installé sur la résidence Les Roses Rouges. Derrière cet anglicisme se cache des dispositifs, technologiques ou non, dont le rôle est d’orienter les comportements des usagers, sous la forme d’une incitation discrète. En l’occurrence, les nudges installés ici consistent à « habiller » les poubelles ainsi que le chemin de la résidence au local avec des lumières qui indiquent si un bac est plein ou non, des mots d’encouragements…

Le dispositif fait partie d’une démarche plus large menée sur ce patrimoine en partenariat avec le cabinet NF Etudes afin de recréer du lien social en proximité. « Nous avons mené une enquête sur la résidence qui nous a permis de nous rendre compte que les gens ne se connaissent pas ou peu, et ne se parlent parfois que pour se crier dessus », reprend Marjorie Perrin. « Nous avons donc cherché comment recréer un esprit de grande famille et permettre aux gens de sortir de leur bulle ». Pour cela, les locataires ont notamment été invités à participer à un shooting photo dont les portraits réalisés ont été affichés sur la façade des tours de la résidence. Un tableau d’échange de services entre locataires a également été installé dans les halls d’entrée des résidences, ainsi qu’un planning des interventions (nettoyage, entretien de la VMC, espaces verts…).

Les portraits des locataires affichés sur la façade de la résidence les Roses Rouges

« Les nudges pour les poubelles est le dispositif qui fonctionne le mieux », affirme la responsable de secteur. « Nous avons moins de sacs laissés au sol, donc moins de nuisances pour les habitants et moins d’entretien pour les gardiens ».

Saint-Denis : transformer le paysage urbain pour changer les comportements

Sur la résidence Floréal de Saint-Denis (93), d’autres types de nudges sont expérimentés par CDC Habitat pour limiter les jets de déchets dans les pelouses et les buissons qui entourent le site. De grandes arches colorées ont été installées au pied des tours, juste en face des logements afin qu’elles soient visibles dès que l’on ouvre les fenêtres. Sur les arches, des messages ont été inscrits, reprenant des citations en plusieurs langues de locataires interrogés sur leur perception de ces déchets laissés à la vue de tous.

« Nous avons fait appel à une agence de design comportemental, Okoni pour imaginer ce dispositif temporaire et voir son impact sur les habitants », explique Isabelle Cosyns. « Les signes vont rester quelques semaines, puis être retirés afin de voir si cela influe sur le comportement des gens, puis être réinstallés à d’autres endroits pour faire d’autres tests et alterner les périodes avec et sans ». Chaque semaine, un comptage des jets est mené par Okoni, puis un nettoyage est systématiquement réalisé.

Ce travail s’inscrit dans la poursuite de l’étude interbailleurs menée sur Plaine Commune, puis étendue dans toute la France avec trois autres bailleurs, la RIVP sur Paris, Logirem sur Toulon, et Logis Méditerranée à Marseille. « Chacun a installé des dispositifs différents sur son patrimoine avec l’idée de partager les résultats obtenus au bout d’un an pour voir lesquels sont les plus efficaces », conclut Isabelle Cosyns.