« Avec les bailleurs d’outre-mer, nous avons beaucoup d’intérêts communs »

« Avec les bailleurs d’outre-mer, nous avons beaucoup d’intérêts communs »

Interview de Gaëlle Nerbard, directrice nationale outre-mer de la Croix Rouge française.

En outre-mer, la vulnérabilité des populations croise souvent les difficultés de logement. Pour renforcer ses actions auprès des plus fragiles, la direction nationale outre-mer de la Croix-Rouge française a signé en septembre 2022, une convention avec CDC Habitat. Les explications de Gaëlle Nerbard, directrice nationale outre-mer de l’association.

Pourriez-vous nous décrire les différentes actions de la Croix-Rouge dans les territoires d’outre-mer ?

La Croix-Rouge a une responsabilité particulière en outre-mer : nous sommes la seule association nationale présente sur les onze territoires ultramarins. Nous avons donc une vision à 360 ° sur les vulnérabilités de leurs habitants. Cette responsabilité est d’autant plus grande que les besoins sur ces territoires sont immenses et nos modalités d’intervention nombreuses. Nous sommes auxiliaires des pouvoirs publics pour secourir les populations face aux catastrophes naturelles, aux situations d’urgence, aux crises sociales. A titre d’exemple, lors de la tempête Fiona, en Guadeloupe, nous avons notamment été mobilisés pour produire de l’eau potable. En 2 semaines, nous avons pu distribuer plus de 70 000 d’eau à la population.

En dehors de ces situations d’urgence, nous accompagnons toutes les personnes vulnérables, depuis la crèche jusqu’à l’Ehpad en passant par l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile ou des femmes victimes de violence. Nous faisons aussi de la prévention spécialisée, avec des éducateurs de rue qui interviennent dans les quartiers les plus défavorisés.  Notre accompagnement social est global et prend en compte tous les aspects : précarité alimentaire,, santé (soins à domicile, centres de santé, lutte contre les addictions), insertion, accès aux droits, aide aux victimes, hébergement, etc.

Quelles sont les difficultés de ces territoires en matière de logement ?

L’immobilier est en forte tension, ce qui accroît les vulnérabilités des populations. La plupart des personnes que nous accompagnons ont des difficultés de logement et vivent dans les plus de 12 % d’habitats indignes et insalubres du parc ultramarin. Cela rend beaucoup plus compliqué pour eux l’accès aux services publics, à la santé, la scolarisation, la formation, l’insertion… Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 80 % des ménages ultramarins ont droit à un logement social, mais seulement 18 % en occupent un.

Le foncier est un vrai problème en outre-mer. Il est rare, cher, notamment dans les Antilles, en Guyane ou à La Réunion. Ces territoires font partie de ceux où se loger coûte le plus cher en France.

Pourquoi la Croix-Rouge française a-t-elle souhaité se rapprocher de CDC Habitat par une convention ?

Les liens ne sont pas nouveaux. Nous collaborons depuis plusieurs années avec les SIDOM, les filiales de CDC Habitat en outre-mer, sur différents dispositifs. Nous avons souhaité poursuivre notre partenariat et aller encore plus loin en formalisant l’ensemble de nos collaborations par une convention.

Cette convention permet à la fois de faire un état des lieux de notre immoblier, d’identifier des solutions d’hébergement pour les plus vulnérables de notre association, d’accompagner le développement de nos activités en identifiant des locaux permettant de les héberger et de loger des salariés qui répondent aux critères du logement social. Elle vise aussi à favoriser l’accès à nos dispositifs d’accompagnement social pour les locataires des résidences gérées par CDC Habitat. De plus en plus, nos interventions sont mobiles, car nous privilégions « l’aller-vers » les populations. Mais même avec des équipes mobiles, il faut un lieu pour se poser, disposer d’un ordinateur, opérer la transmission d’une équipe à une autre… Or, nous voyons bien que le développement de nos activités bute sur la question des locaux et de la rareté des logements.

Le partenariat avec CDC Habitat, un acteur de référence sur le logement, est très précieux pour nous. C’est un partenariat gagnant-gagnant qui engendre un cercle vertueux puisqu’il vise également à favoriser l’accès à nos dispositifs d’accompagnement social pour les locataires des résidences gérées par CDC Habitat.

Quels types de projets souhaitez-vous développer ensemble ?

Cela diffère selon les territoires. A La Réunion, nous répondons conjointement à un appel à projet concernant un Ehpad. A Mayotte, nous projetons d’ouvrir une crèche et nous cherchons de nouveaux locaux, car nos activités sont en plein développement. Nous souhaitons aussi sécuriser les personnes que nous accompagnons et nos collaborateurs qui sont situés dans des zones où l’insécurité est forte, en les délocalisant. En Martinique, nous répondons avec la Simar à un appel à manifestation d’intérêt concernant la ville du Lamentin. En Guyane, nous manquons de solutions d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile et nous nous sommes tournés  vers la Siguy et la Simko. Nous souhaitons aussi y développer une nouvelle activité, l’intermédiation locative.

En quoi consiste-t-elle ?

Certaines des personnes que nous accompagnons ont de telles difficultés qu’ils ne sont pas prêts à vivre seuls, sans soutien, dans un appartement. L’objectif de l’intermédiation locative est de les mettre sur le chemin de l’autonomie. La Croix-Rouge se substitue au locataire dans la relation au bailleur : le contrat a lieu avec elle et non pas avec le locataire.

Le renforcement de nos liens avec les SIDOM va nous permettre de réaliser ce projet et plus globalement, de faire connaître nos services, nos centres de santé, nos différents dispositifs aux locataires des SIDOM. C’est toute la question, majeure, d’une plus grande accessibilité aux dispositifs de soutien et d’accompagnement des plus vulnérables…