« A Mamoudzou, l’habitat doit prendre en compte les spécificités locales pour garantir l’équilibre social »

« A Mamoudzou, l’habitat doit prendre en compte les spécificités locales pour garantir l’équilibre social »

Ambdilwahedou Soumaila, maire de Mamoudzou, explique l’importance de l’habitat dans l’équilibre social de son territoire et ses attentes fortes vis à vis de la SIM, premier bailleur de Mayotte.

Quelles sont les problématiques en termes d’habitat sur la commune et plus généralement sur l’île?

Selon les données du RGP Insee 2017, Mayotte comptait 63 130 résidences principales, dont 17 870 à Mamoudzou. Parmi celles-ci, la part des maisons en tôle (maison en tôle, bois, végétal ou terre) était de 39 % à l’échelle de l’île et de 47 % à Mamoudzou.

Actuellement, on observe une urbanisation illégale et spontanée à Mamoudzou, principalement due à l’extension des constructions de ces cases en tôle, ce qui contribue à la formation de bidonvilles sur de vastes zones du territoire communal. Sans compter que l’accès à l’eau courante (et aux réseaux en général) reste problématique dans ces logements.

Il existe donc un besoin pressant de logements, mais pas seulement sociaux. Et l’espace étant restreint sur l’île et le foncier disponible et aménagé se trouvant principalement en zone urbaine, où les infrastructures sont déjà en place, il est nécessaire de réinvestir ces zones et d’opter pour des constructions à haute densité.

Quelles sont vos attentes en termes de programmation ?

Traditionnellement, les quartiers à Mayotte sont mixtes et nous voulons maintenir cette mixité pour accueillir toutes les strates de la population. Ce n’est pas seulement une problématique liée au logement social : les premières enquêtes sociales menées dans la zone de la ZAC de Doujani ont montré un nombre limité, voire faible, de ménages éligibles au logement social. Il est donc crucial de répondre au fort besoin de logements en adoptant des approches qui prennent en compte les différentes catégories de logement, du locatif social au locatif intermédiaire, en passant par l’accession à la propriété.

A titre d’exemple, dans le cadre du NPNRU de Kaweni, nous travaillons à mettre en place tous type de logements : LLTSA, LLTS, LLS mais aussi intermédiaire et en accession.

La SIM a beaucoup œuvré par le passé pour favoriser l’accession à la propriété sur l’île…

Le concept de la « case SIM » a effectivement joué un rôle important à cet égard et a laissé une marque durable à Mayotte. Aujourd’hui, il est essentiel de revitaliser le marché de l’accession, en particulier pour les jeunes actifs. Cette approche vise à soutenir la création d’un parc immobilier diversifié.

Il faut néanmoins rester vigilant avec ce type de logement pour ne pas créer le bidonville de demain. La réflexion architecturale et la mixité de logement et de population sont certainement une des clefs de la réussite des futurs aménagements urbains.

Y a-t-il des usages particuliers à prendre en compte dans la conception des logements ?

Lors de la conception des logements, il est essentiel de prendre en compte certains usages particuliers afin de répondre aux besoins et d’améliorer la qualité de vie des résidents.

Tout d’abord, il est recommandé de prévoir des espaces extérieurs dans la conception des logements. Ces espaces permettent aux résidents de profiter de l’air frais, de se détendre et de se connecter avec la nature environnante. Ils peuvent prendre la forme de balcons, de terrasses, de jardins ou d’espaces verts communautaires.

Ces zones extérieures offrent un espace supplémentaire pour se reposer, se divertir et favorisent les interactions sociales entre les résidents. Elles peuvent être conçues à différentes échelles, allant des places au sein d’un ilot de logement aux espaces communs plus vastes. Elles peuvent être utilisés par les résidents pour organiser des activités, rencontrer leurs voisins ou célébrer des événements.

Par ailleurs, il convient de souligner l’importance de la « varangue » (véranda) dans l’architecture du logement mahorais, qu’il s’agisse de logements sociaux ou non. La varangue est une pièce à vivre à part entière, offrant un espace de vie supplémentaire et permettant de profiter du climat agréable de l’île. Il est crucial de la considérer comme une composante essentielle du logement et de lui accorder une attention particulière dans la conception architecturale. Cependant, il est nécessaire de noter que le calcul du financement du logement social peut actuellement limiter la possibilité de créer de grands espaces extérieurs. Il est donc important de reconnaitre la valeur de la varangue en tant que pièce à vivre et soutenir son intégration dans la conception des logements.

Quelles sont les attentes de la mairie vis-à-vis de la SIM ?

Dans le contexte mahorais et malgré le développement accéléré de l’urbanisation, la commune de Mamoudzou se caractérise par une organisation en villages qu’il est souhaitable de maintenir pour garantir un cadre d’aménagement et un certain équilibre social ; les évènements actuels sur l’insécurité ambiante plaident dans ce sens.  

L’organisation en villages et le maintien d’une gestion à cette échelle a toujours servi de cadre d’action et de décision. De cette organisation villageoise découlait l’attribution des parcelles et des logements et donc la question du peuplement. Cette attribution s’est faite jusqu’à présent à l’échelle du village et principalement à destination des habitants du village. 

Les zones d’extension sont limitées et inégalement réparties. Certains villages n’ont aucune possibilité physique d’extension. D’autre part, certaines zones d’extension ne sont envisageables qu’à très long terme. 

Dans ces conditions, la commune doit définir et pouvoir afficher ses priorités en matière de politique de l’habitat et d’attribution de logement à partir des besoins de sa population. Dans les commissions d’attribution des logements, bien que représentée, la commune ne pèse pas réellement dans le choix des attributions car elle est rarement réservataire. L’enjeu pour la commune est de devenir réservataire de logements dans chaque commission pour pouvoir influer sur le choix des attributions et du peuplement dans les différents quartiers de la commune. 

Il est clair que le mode d’attribution ne peut plus se limiter seulement au village où seront implantés les logements ; il nous semble néanmoins nécessaire que l’attribution des logements privilégie en priorité les habitants de la commune.

Par exemple, le village d’implantation pourrait instaurer une préférence d’attribution à hauteur de 50 % aux demandeurs du village, 20 % à 30 % des logements seraient donc proposés aux autres villages de la commune et les autres logements aux habitants d’autres communes. Sur cette base, la cohésion sera préservée et l’intégration des nouveaux arrivants facilitée.