Un confinement placé sous le signe de la solidarité à Massy (91)

Touchés par l’arrêt brutal des cours et des entreprises dont dépendaient leurs emplois, de nombreux étudiants se sont trouvés dans une situation précaire lors du confinement. Reportage à Massy où la solidarité s’est organisée pour amener aide alimentaire et produits de première nécessité directement au cœur des résidences étudiantes STUDEFI Eric Tabarly et Océane.

C’est un chiffre dont on a finalement peu parlé et qui pourtant montre bien l’impact qu’a pu avoir le confinement sur le quotidien de dizaines de milliers de Françaises et de Français : entre mars et mai, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire a bondi en moyenne de 25 à 30 % en France. Si le phénomène est plus ou moins important selon les territoires, les populations d’Île-de-France ont été largement touchées, et parmi elles notamment les étudiants les plus fragiles, privés des restaurants universitaires mais aussi des revenus liés à leurs petits boulots.

Isabelle Frappa, régisseuse de la résidence étudiante STUDEFI Eric Tabarly à Massy, a pu observer de près les difficultés de certains locataires pendant cette période particulière : « à cause du confinement, beaucoup de jeunes ont perdu les emplois qui leur permettait de payer leur loyer. Certains ont pu rentrer chez leurs parents, mais d’autres, plus isolés, sont restés et ont vu leur situation se compliquer jour après jour ».

Si CDC Habitat a suivi de près chaque situation afin de s’assurer que la question du loyer ne devienne pas un problème ingérable pour eux, un système de distribution de denrées et de produits de première nécessité s’est également mis en place au fil des semaines, à l’initiative d’un étudiant, Lyes Boukerrhoub. « Quand je suis arrivé en France d’Algérie pour ma première année d’études, j’ai croisé beaucoup d’associations qui m’ont aidé : le Secours Populaire, le Secours Catholique, les Restos du Cœur… Maintenant ça fait 4 ans que je suis ici et je connais pas mal de monde qui travaille dans le milieu associatif. Un jour un ami m’a demandé si des étudiants avaient besoin d’aide alimentaire. On s’est un peu renseignés autour de nous et on s’est rendu compte qu’il fallait agir ».

Des réseaux locaux qui se mobilisent

Les premières distributions s’organisent rapidement grâce à une boulangerie de quartier qui a fait le choix de donner chaque soir ses invendus de la journée pour qu’ils soient redistribués gratuitement aux jeunes. Puis l’association Al Fatiha s’est mobilisée à son tour pour fournir d’autres produits aux étudiants. « Cela fait plus de 20 ans que notre association existe et plus de 10 ans que l’on s’est spécialisés dans l’humanitaire », explique son président Fayçal. « On a commencé par des maraudes, puis on a fait des distributions alimentaires dans certains foyers de migrants… Quand le virus est arrivé, on a développé un drive d’un nouveau genre, on a préparé des plats, fait les courses gratuitement pour les gens ».

Chaque semaine, les étudiants des résidences Eric Tabarly et Océane qui avaient des besoins alimentaires pouvaient les envoyer à Isabelle Frappa qui centralisait les demandes, les répertoriait dans un fichier Excel puis les envoyait à Lyes qui gérait ensuite avec l’association. « Les produits secs étaient réceptionnés le jeudi soir, les produits frais le samedi, on préparait les commandes avec mon ami Naim et on faisait les livraisons sur le week-end », reprend l’étudiant.

« La boulangerie continue de nous donner ses invendus et l’association Al Fatiha des fruits et de légumes qu’ils récupèrent via un grossiste de Rungis » explique Fayçal, président de l’association Al Fatiha. © Droits réservés

« On a envoyé un message à l’ensemble des 436 résidents pour les informer de la mise en place du dispositif », explique Isabelle Frappa. « Une cinquantaine de jeunes nous ont fait part de leurs besoins, pour de la nourriture mais aussi des produits de première nécessité comme du savon, du liquide vaisselle, des serviettes hygiéniques… La distribution était aussi l’occasion pour les jeunes de se croiser et de ne pas rester trop isolés ».

Un élan de solidarité qui se poursuit

« Les gens étaient étonnés car on leur donnait tous ces produits gratuitement, on n’a pas cherché à savoir quelle était la situation de chacun », précise Lyes. Au total, 147 colis ont été livrés en 4 semaines, et si un rythme plus normal est revenu avec le déconfinement, la solidarité ne s’est pas arrêtée pour autant dans le quartier. « La boulangerie continue de nous donner ses invendus et l’association El Fatiha des fruits et de légumes qu’ils récupèrent via un grossiste de Rungis », poursuit l’étudiant. « On sait que la situation n’est pas facile pour les jeunes alors on continue de les aider », ajoute Fayçal.

« Le confinement a bouleversé cette année d’études et créé des problèmes inédits pour ces jeunes qui ont vu leur stage de fin d’études décalé ou purement annulé », conclut Isabelle Frappa. « Ceux qui pensaient partir juste après la fin de l’année scolaire ont dû reporter leur départ. C’est pour ça que nous avons soutenu cette initiative dès le début et que nous sommes ravis de voir que cette solidarité perdure. Il y a de vrais besoins et des gens prêts à se serrer les coudes ».