« Il faut sensibiliser les gens pour qu’ils se sentent moins démunis face aux questions de santé mentale »

L’appel à projet interne L’ISA (L’innovation sociale en action) a permis à CDC Habitat de mettre en place une action de sensibilisation aux questions de santé mentale en lien avec l’association Intermed. Entretien avec Anne-Sophie Mouillé, Directrice de l’agence CDC Habitat de Lyon.

Vous avez porté un projet autour de la prise en charge de la santé mentale au sein de votre patrimoine. Pourquoi avoir choisi ce sujet ?

Anne-Sophie Mouillé : La question de la santé mentale est un des sujets avec lesquels les bailleurs doivent travailler au quotidien, sans que cela soit vraiment dit ou assumé. Nous avons au sein de notre patrimoine, social mais aussi intermédiaire, des personnes qui peuvent présenter des soucis d’ordre psychologiques plus ou moins sérieux, qui se traduisent au quotidien par des troubles du comportement, un renfermement sur soi, mais aussi des nuisances de voisinage, des problèmes d’hygiène, des situations d’impayés… Et face à des attitudes qu’on ne connait pas ou qu’on ne comprend pas, on se sent souvent démunis.

L’objectif est donc de sensibiliser les équipes de l’agence de Lyon à ces questions ?

ASM : Oui tout à fait. Nous avons organisé trois temps de sensibilisation en 2023, en veillant à mêler tous les métiers de l’agence – gardiens, techniciens, chargés de gestion locative… Tout le monde travaille sur le terrain et peut donc être confronté à des situations compliquées, nous voulions donc les rassurer et leur donner quelques clefs pour savoir comment agir, les mots à utiliser, les gestes et postures à adopter face à quelqu’un qui serait en train de faire une crise ou qui a un comportement que l’on ne comprend pas. L’idée est aussi de dédramatiser certains points, il ne s’agit pas de craindre les personnes qui ont des troubles psychiques, mais de faire la part entre les situations, d’identifier les urgences et de savoir qui contacter et à qui passer le relais le cas échéant.

Qui s’est occupé d’animer ces sessions ?

ASM : Nous avons travaillé avec le Réseau Intermed qui a un lien particulier avec CDC Habitat puisque l’association a été créée fin 2008 à l’initiative d’Adoma qui est la filiale du Groupe spécialisée dans l’hébergement et le logement accompagné. L’idée est partie du besoin d’accompagner les publics logés dans les structures de type foyers de travailleurs migrants (FTM), résidences sociales ou pensions de famille sur toutes les questions liées à la santé. La spécialité d’Intermed est d’aller « vers » les publics les plus éloignés du système de santé en allant directement les rencontrer dans leur logement pour renouer le contact. C’est une démarche qui a fait ses preuves et qui s’est élargi au fil du temps à d’autres publics, d’autres structures et bientôt d’autres régions.

Au-delà de sensibiliser les équipes, vous souhaitez aussi intervenir auprès des locataires…

ASM : C’est effectivement le second volet de notre démarche. Toutes les personnes qui ont des troubles psychiques ne sont pas identifiées ni diagnostiquées, et n’ont donc pas forcément de suivi. Notre souhait est d’essayer de tenter de mettre en relation les locataires qui pourraient avoir besoin d’un accompagnement spécifique avec les professionnels de santé. Nos CESF (conseillères en économie sociale et familiale) sont des maillons importants pour engager avec les partenaires locaux la prise en charge des personnes mais face à certaines situations, il faut faire appel aux infirmiers référents Intermed. Nous ne sommes pas des sachants en termes de pathologie, mais notre métier nous met en première ligne, et nous pouvons donc voir des situations que personne d’autre ne voit.

Cette expérimentation a-t-elle vocation à être déployée plus largement ?

ASM : Sur ce sujet plus que sur n’importe quel autre, nous préférons avancer pas à pas. En matière d’accompagnement, nous avons mis en place 6 suivis actifs depuis le début de l’année, et nous travaillons activement pour voir ce qui peut être pérennisé. Ce travail a un coût et demande d’avoir des partenaires mobilisés à nos côtés. En plus d’Intermed, nous travaillons avec les comités de santé locale locaux quand ils existent, avec les hôpitaux spécialisés, avec les services de l’État… C’est cette approche globale qui permet de mieux cerner chaque situation et d’y répondre de manière adaptée.

Et pour les sessions de sensibilisation ? Vont-elles être généralisées ?

ASM : Il va y avoir d’autres sessions au niveau local, pour d’autres collaborateurs. Le Groupe CDC Habitat propose également dans le cadre de son plan de formation des sessions de formation sur ce thème pour former l’ensemble de ses salariés sur ces questions. Aucune région, aucune agence de proximité n’est épargnée par ces situations. Mieux comprendre les troubles liés à la santé mentale, savoir comment réagir vers qui se tourner, c’est déjà une première étape pour aider les personnes, pour rassurer les locataires et pour se sentir moins démuni face à des situations souvent complexes.