Un diagnostic pour mesurer la résilience du patrimoine aux aléas climatiques

Un diagnostic pour mesurer la résilience du patrimoine aux aléas climatiques

CDC Habitat s’est lancé depuis 2021 dans une démarche visant à mesurer l’exposition de son patrimoine aux aléas climatiques, afin d’ajuster ses programmes de réhabilitation et d’orienter sa production neuve. Une démarche qui devrait profiter à l’ensemble du réseau Partenaires. Entretien avec Alain Cauchy, Directeur du Patrimoine de CDC Habitat.

Pouvez-vous rappeler quels sont les fondamentaux du Diagnostic de Performance Résilience ?

Alain Cauchy : Le Diagnostic de Performance Résilience (DPR) est un outil développé par CDC Habitat afin de mesurer l’exposition de son patrimoine aux aléas climatiques et donc d’évaluer sa résilience selon son exposition à certains risques actuels et à venir : inondations, tempêtes, sécheresses, mouvements de terrains… CDC Habitat est d’ailleurs le premier bailleur français à porter aussi loin la réflexion autour des conséquences du changement climatique sur son activité.

Pourquoi avoir choisi de lancer cette démarche aujourd’hui ?

AC : Le changement climatique est avéré. Au rythme actuel, l’augmentation des températures de 2 degrés, seuil critique déterminé par les accords de Paris, sera atteint dans moins de 20 ans. Le dernier rapport du GIEC parlait même de 3 ans pour garder une planète vivable… Nous savons tous que les actions d’atténuation sont nécessaires mais qu’elles risquent de ne pas être suffisantes. On aura des aléas à fréquence plus ou moins grande et nous devons nous y préparer. C’est ce que le DPR va nous permettre de faire à une échelle locale.

Vous avez préféré développer votre propre méthode…

AC : Lorsque nous avons commencé à nous intéresser à cette question, nous avons fait un état des lieux de ce qui existait et nous n’avons trouvé aucun outil « clef en main » satisfaisant. Nous avons donc lancé une consultation à laquelle le bureau d’études technique Résallience a répondu pour établir une méthodologie fiable, adaptée à notre patrimoine et à nos processus. Et parce que le diagnostic n’est évidemment pas une fin en soi mais qu’il est le préalable à l’action, nous avons travaillé avec la Mission des Risques Naturels, une association de la profession de l’assurance spécialisée sur ces questions, pour imaginer les outils nécessaires à l’élaboration d’un plan d’adaptation aux changements climatiques spécifique à notre patrimoine.

Comment s’est déroulée la première phase de déploiement du DPR ?

AC : Nous avons démarré la démarche en 2021 avec une soixantaine de sites. Chaque direction interrégionale et filiale de CDC Habitat a choisi ses sites pilotes en croisant la cartographie de son patrimoine avec les cartes des aléas climatiques et de leur évolution d’ici à 2050. En comparant ces données avec celles d’Abyla, outil informatique de référentiel patrimonial qui intègre déjà une description technique du bâti ainsi que ses particularités, une hiérarchie a pu être établie. Ensuite chaque direction a choisi selon différents critères : certaines se sont concentrés sur les sites les plus hauts dans la liste de criticité, d’autres ont préféré se focaliser sur des bâtiments qui devaient être prochainement rénovés pour pouvoir justement profiter des travaux pour adapter le bâti…

Les résultats sont déjà connus ?

AC : Les DPR ont été réalisés en 2021 et nous sommes en train d’analyser les résultats. Cette première phase d’analyse va être capitale car elle doit nous permettre de fiabiliser et compléter les préconisations : qu’est-ce qui est faisable et à quels coûts ? Peut-on intégrer certaines solutions à nos programmes de réhabilitation et pour quel résultat ? Nous allons également proposer que la grille de diagnostic puisse être intégrée pour qualifier les nouveaux projets où il y a des risques spécifiques, en France comme en Outre-Mer. Tout cela demande une vraie montée en compétences de nos équipes et des diagnostiqueurs.

L’idée est de diagnostiquer l’ensemble du patrimoine ?

AC : Nous avons plus de 5 000 sites de logements familiaux, cela serait donc compliqué de tous les couvrir car en plus de prendre beaucoup de temps, chaque diagnostic peut coûter jusqu’à 3 000 euros. Nous avons donc choisi de cibler les 10% de notre patrimoine en rouge, c’est-à-dire les 500 sites identifiés comme étant les plus à risque. Nous allons lancer 30 DPR supplémentaires en 2022, puis passer à un rythme de 100 diagnostics par an pour avoir fini cette liste en 2027.

Qu’attendez-vous de ce diagnostic sur le plan opérationnel ?

AC : Nous espérons qu’il va pouvoir nous doter d’un outil d’aide à la décision, notamment pour savoir quels travaux mener, pour quel coût et quel résultat. Si on raisonne en données brutes, les 60 premiers DPR préconisent des travaux d’adaptation du bâti à hauteur de 4 000 euros en moyenne par logement. Mais parmi les travaux conseillés, une partie était déjà prévue comme l’isolation thermique par l’extérieur ou le changement des VMC. Il faut donc faire la part entre ce qui est de l’ordre du coût habituel et ce qui est un surcoût lié à l’adaptation aux changements climatiques. Cela va aussi nous permettre d’affiner nos PMT et de mieux sélectionner les zones où nous choisissons de construire. Enfin, cette dimension sera évidemment intégrée à notre plan stratégique de patrimoine qui sera réévalué en 2023.

C’est une démarche qui va évidemment intéresser les autres OLS, à commencer par ceux réunis au sein de CDC Habitat Partenaires…

AC : Évidemment, et comme à notre habitude, nous souhaitons partager notre expérience avec nos partenaires ainsi que les outils dès que ce sera possible. Les développements ont d’ailleurs été faits en priorité en open-source dans cette optique. Nous attendons simplement de stabiliser la démarche et d’avoir un peu plus de recul pour pouvoir présenter des résultats exploitables.