Patrimoine exceptionnel ou classé: des réhabilitations pensées sur-mesure

Patrimoine exceptionnel ou classé: des réhabilitations pensées sur-mesure

En photo : Les espaces d’Abraxas.

Afin de réhabiliter les sites les plus remarquables de son patrimoine, CDC Habitat a mis en place une méthodologie rigoureuse permettant de répondre aux exigences de chaque bâtiment – qu’ils soient classés ou qu’ils présentent des caractéristiques techniques exceptionnelles.

A quoi reconnaît-on un patrimoine exceptionnel ? Loin d’être une simple question d’affect ou de goût personnel, cette qualification revêt pour les bailleurs une importance cruciale car il s’agit pour eux d’identifier parmi les sites qu’ils gèrent ceux qui nécessitent une prise en charge spécifique – notamment au moment de les réhabiliter.

« Un produit exceptionnel est par définition non standard », explique Christophe Chanu, directeur du patrimoine à la Direction interrégionale Île-de-France. « Cela signifie qu’il présente soit des caractéristiques techniques particulières, soit des spécificités en termes d’architecture ».

Façades en matériaux nobles comme de la pierre de Saint-Maximin, du béton banché ou des pans de bois ; revêtements en brique ; dessins complexes en façade ; baies, encorbellements ou modénatures aux formes et aux dimensions atypiques : de nombreux paramètres peuvent justifier cette qualification et c’est une partie non-négligeable du patrimoine géré par CDC Habitat en Île-de-France qui est de fait concerné. « Le patrimoine exceptionnel peut-être classé ou non, ancien ou plus récent, réalisé par un architecte renommé… », précise Christophe Chanu. « Cela concerne aussi bien les vieilles demeures des Grands Boulevards parisiens du 19ème siècle que les Espaces d’Abraxas réalisés dans les années 80 par Ricardo Boffil à Noisy-le-Grand (93), où nous gérons le Palacio, ou encore les Pharaons de Manuel Nunez, livrés en 2009 à Sarcelles »

Des interventions sur-mesure

Si les caractéristiques de ces bâtiments sont différentes, tous font l’objet d’une attention toute particulière du bailleur au moment de les réhabiliter. Il s’agit en effet de ne pas altérer le caractère exceptionnel du patrimoine tout en apportant le confort et les performances (énergétiques notamment) attendus aujourd’hui. Pour cela, un diagnostic de maîtrise d’ouvrage est réalisé en amont de chaque projet, afin de proposer une intervention sur-mesure. « Le plus souvent, nous optons pour une approche où la maîtrise d’ouvrage et les achats se retrouvent en première ligne, afin de maîtriser l’impact financier global du projet, notamment les éventuelles attentes de l’architecte des bâtiments de France », souligne Christophe Chanu. « Nous essayons aussi, dès que possible, d’intégrer l’architecte d’origine aux travaux afin de ne pas dénaturer son œuvre ».

Parmi les sujets les plus sensibles de ces réhabilitations, le volet énergétique prend une place conséquente puisque le caractère exceptionnel des façades interdit toute isolation par l’extérieur, et nécessite donc de travailler sur le sourcing énergétique (géothermie, VMC) et la qualité des équipements – ce qui peut se révéler plus coûteux. Les enjeux de sécurité incendie, liés à l’usage de certains matériaux notamment, sont également particulièrement scrutés. Enfin, dans le cas du patrimoine classé, le bailleur doit faire appel à des prestataires spécialisés, possédant la certification Qualibat Monument Historiques, et assez peu nombreux sur le marché.

« Plus le patrimoine est remarquable et plus la liste des interlocuteurs est longue », conclut Christophe Chanu. « Pour autant, il n’est pas question que le caractère exceptionnel du bâti prenne le dessus sur les impératifs de gestion ou sociaux : notre rôle en tant que bailleur est bien sûr de respecter le patrimoine mais aussi d’améliorer le cadre de vie de nos locataires, de lutter contre la précarité énergétique et de réduire les émissions de carbone. C’est une question d‘équilibre ».

Le Palacio (Noisy-le-Grand) : une réhabilitation format « grand écran »

Terry Gilliam y a filmé quelques scènes de son mythique Brazil. Francis Lawrence y a posé ses caméras pour le 3e épisode de Hunger Games.

Mais avant d’être un lieu d’inspiration pour les réalisateurs du monde entier, les Espaces d’Abraxas imaginés par Ricardo Bofill dans les années 80 à Noisy-Le-Grand (93) sont d’abord le cadre de vie de centaines de familles – un cadre en apparence féérique mais qui a fini par se dégrader au fil des décennies. Car derrière la griffe néo-grecque des façades et de ses grandes coursives extérieures se cachent de multiples problèmes d’humidité et d’infiltration qui ont fini par gâcher le quotidien des habitants.

La toiture de la résidence

CDC Habitat qui est propriétaire de 329 des 440 logements que comprend le bâtiment central du site, le Palacio, a entrepris depuis 2019 de lancer une grande réhabilitation afin d’améliorer les conditions de vie de ses locataires. « Le Palacio présente une configuration architecturale complexe avec ses 18 étages et ses 4 gros blocs de 2 bâtiments chacun, distribués par des coursives extérieures, et avec de nombreux espaces communs que nous ne gérons pas », explique Betty Huet-Baugé, responsable de programmes chez Grand Paris Habitat. « Pour mener à bien cette opération de réhabilitation, nous avons étudié plusieurs possibilités et finalement opté pour un travail avec l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) dans le cadre d’une Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat, avec l’appui de la Direction de la rénovation des copropriétés dégradées de CDC Habitat ».

Un travail de fond a ainsi été mené avec le syndicat de copropriété et plus particulièrement le conseil syndical pour co-construire le projet et favoriser l’adhésion des copropriétaires, notamment grâce à l’assurance d’obtenir des financements publics pour les accompagner. Une concertation qui a porté ses fruits puisque la décision a été prise en juin dernier de lancer début 2022 une étude globale de maîtrise d’œuvre, CDC Habitat social intervenant pour sa part comme assistant à maîtrise d’ouvrage. « Notre objectif est de mener le projet en confiance avec les copropriétaires privés », précise Caroline Salles, en charge du dossier au sein de la Direction des copropriétés dégradées de CDC Habitat. « Au-delà de son caractère impressionnant, le site accueille surtout de l’habitat familial, avec des propriétaires privés qui n’ont pas forcément de hauts revenus et qui ont besoin d’être accompagnés pour faire face aux coûts que la réhabilitation risque de représenter pour eux ».

Une opération complémentaire de portage d’une trentaine de logements pourrait être mise en place pour aider les copropriétaires les plus en difficulté, et permettre le redressement pérenne et durable de la copropriété. « Le travail demande une forte coordination entre nos différents services, pour prendre en compte à la fois les spécificités techniques, les difficultés de certains copropriétaires et les attentes légitimes de nos locataires », conclut Betty Huet-Baugé. Une fois le volet conception mené en 2022, les travaux pourraient commencer en 2023 et durer plusieurs années du fait de l’ampleur du projet.