L’adaptation des logements au handicap

L’adaptation des logements au handicap

Comment répondre aux besoins des locataires qui souhaitent vieillir dans leur logement quand celui-ci n’est plus adapté à leur âge ? Et aux besoins des personnes à mobilité réduite ? L’adaptation des logements est une problématique que CDC Habitat rencontre au quotidien en raison du vieillissement de la population :  une réalité qu’il est impératif de prendre en compte dans la gestion des logements. Quelles procédures sont mises en place ? Quels sont les financements mobilisables ?

Les témoignages de Fabrice Moiska, intervenant social et référent parcours résidentiel à l’agence CDC Habitat de Bordeaux et de Sébastien Coeuret, cadre technique chargé du Handicap et du Vieillissement à l’agence de Caen.

Quelle est votre mission quotidienne ?

Fabrice Moiska

Fabrice Moiska : En tant que référent pour le parcours résidentiel des locataires en situation de handicap je suis sollicité pour intervenir systématiquement lors d’une demande d’adaptation. Mon rôle est de rencontrer le locataire, d’évaluer sa demande et ses besoins précis, d’activer ses réseaux et ceux de CDC Habitat, etc. Je pense que la fonction que j’occupe est unique dans le Groupe.

Sébastien Coeuret : J’étais auparavant chargé d’opération de réhabilitation. Dans ce cadre j’ai pu acquérir, pendant 10 ans, mon expérience dans l’adaptation des logements au vieillissement et au handicap. Une expérience très utile dans mon poste actuel de référent handicap, unique sur le Grand Ouest.

Qui peut faire une demande d’adaptation de logement ? Selon quels critères ?

Sébastien Coeuret

Sébastien Coeuret : Nous recevons une soixantaine de demandes par an : 94% émane de personnes vieillissantes et les autres de personnes à mobilité réduite. Le remplacement de la baignoire par une cabine de douche et l’adaptation des WC (surélévation et barres d’appui) sont les travaux les plus courants. Plus rarement, nous installons des mains courantes à l’extérieur, des volets roulants motorisés, des rampes d’accès pour les personnes handicapées en fauteuil roulant.

Les demandes proviennent soit directement des locataires, soit par l’intermédiaire des CCAS*, des assistantes sociales, de la MDPH*.

Pour les personnes en situation de handicap les travaux sont réalisés selon les préconisations d’un ergothérapeute et doivent respecter la réglementation PMR* en vigueur. Nous demandons un certificat médical pour les personnes vieillissantes.

Fabrice Moiska: Les demandes que nous traitons proviennent aussi bien de personnes en situation de handicap reconnu que de personnes vieillissantes. Elles représentent une quinzaine de dossiers par an dont la majorité venant de personnes qui, en raison de leur âge, rencontrent des difficultés pour utiliser leur salle de bain ou leurs toilettes. Nous recevons peu de demandes d’adaptation pour les parties communes car notre patrimoine est composé de nombreuses résidences récentes déjà conformes.

F.M. La plupart du temps la demande provient du locataire, soit directement auprès de son antenne de proximité soit via sa famille ou un accompagnant professionnel (CCAS*, GIHP*). La demande est étudiée en fonction de la typologie du logement et de la composition familiale.

* voir signification des acronymes en encadré

Si l’adaptation n’est pas possible pour des raisons techniques ou de financement, quelle alternative est proposée au locataire ?

F.M. : Quand cela est possible nous pouvons proposer une mutation surtout quand le logement est trop grand ou que le locataire rencontre trop de difficultés pour y accéder. Il est très rare par exemple de transformer une baignoire en douche dans des T4. Si le locataire vit seul dans un T4, nous proposons en priorité une mutation vers un logement adapté à la composition familiale, adaptable au vieillissement ou au handicap, et dans une résidence accessible et équipée de services à proximité.  Nous gardons aussi à l’esprit la commercialisation future du logement au départ du locataire actuel.

S.C. : On constate tout de même qu’il est très difficile de faire déménager des personnes vieillissantes ou âgées qui ont passé de nombreuses années dans un quartier. Dans ce cas, la solution de l’adaptation est privilégiée.

Quel est le circuit d’une demande ? Dans quel délai le locataire obtient-il une réponse et la réalisation des travaux demandés ?

F.M. La demande est validée par l’agence en fonction de la situation et de critères techniques. Une fois l’accord de principe obtenu pour réaliser les travaux, nous vérifions si des aides de droit commun (MDPH, CARSAT*) peuvent être mobilisées. Le processus est bien rôdé grâce à notre partenariat avec SOliHA (voir encadré) qui mandate un ergothérapeute. Celui-ci se rend au domicile du locataire pour vérifier le bien-fondé de la demande et évaluer le besoin de travaux. 

Les filières terrain et technique (chargée de clientèle ou technicien d’agence) interviennent ensuite pour la faisabilité technique, l’établissement des devis, puis passer les commandes en fonction des financements obtenus.

La réponse donnée au locataire est rapide. Ensuite, avant la réalisation des travaux qui durent 2 jours au maximum, il faut compter un délai supplémentaire pour les devis, etc.

S.C. Les fiches de demande d’adaptation sont rédigées par le/la chargé de clientèle et validées par le responsable de secteur si les critères sont respectés.

Nous demandons un certificat médical du médecin qui doit justifier le besoin du locataire. Les demandes hors critères sont arbitrées par le directeur d’agence, le technicien et le responsable de secteur. Les services technique et patrimoine sont chargés du suivi des travaux et des budgets, de la mise à jour des équipements PMR sur notre outil de gestion technique du patrimoine immobilier. Le service financier est chargé de centraliser les factures, de vérifier l’éligibilité à la TFPB et le suivi des abattements.

Grâce au choix de la cabine de douche facile à installer, les travaux ne durent que deux jours. Un mois après la demande du locataire, les travaux peuvent commencer. Dans le cadre d’un accord-cadre avec des prix unitaires arrêtés pour 4 ans, nous travaillons avec des installateurs qui ont obtenu le label Handibat.

Comment l’adaptation de logement est-elle financée ?

S.C. : Pour les secteurs de Caen-Rouen-Le Havre, nous disposons d’un budget spécifique PMR de 250 K€ / an. Pour les personnes vieillissantes, le financement repose sur le dégrèvement TFPB* car on ne peut pas cumuler les aides.

F.M. : Comme nous ne disposons pas d’un budget spécifique, le financement repose sur des aides de droit commun (MDPH, CARSAT*…) et sur le budget entretien courant. Si l’adaptation entre dans un programme de réhabilitation, elle est financée sur le budget de l’opération.

Pour les locataires retraités nous mobilisons en priorité la CARSAT ou d’autres caisses de retraite via notre partenariat avec SOliHA, pour du co-financement de droit commun. Le reste est pris en charge par CDC Habitat sans participation du locataire. Quand SOliHA ne peut pas intervenir, on trouve d’autres solutions sur fonds propres.

Pour des adaptations au handicap, la demande peut être faite auprès de la MDPH. Le process est beaucoup plus long, car il faut plusieurs mois pour obtenir son accord.  Le reste à charge est réglé par CDC Habitat.

Quand le cofinancement est impossible, la décision d’engager les travaux est prise par la direction de l’agence, en fonction des autres travaux d’entretien courant à prévoir.

Un logement adapté est-il facilement reloué ?

F. M. : Oui à condition qu’il soit bien identifié dans notre base de données patrimoniale.

S. C. : Nous avons fait le choix esthétique, et pratique, d’une cabine de douche qui peut convenir à tout type de famille.

Pour faire face au vieillissement de la population et répondre encore mieux aux besoins de personnes en situation de handicap, selon vous quelles améliorations faut-il apporter ?

S. C. :  Bien avant la loi Handicap (2005), nous avons pris conscience de ces problématiques qui préoccupent aujourd’hui tous les bailleurs,

Aider nos locataires à se maintenir dans leur domicile et leur apporter du bien-être font partie de nos missions. Nos initiatives en matière d’adaptation de logements valorisent cette mission et nous différencient en proposant des services supplémentaires. Des progrès restent à faire en matière de financement car les pratiques sont très différentes selon les MDPH et les délais d’obtention parfois très longs.

F. M. :  Le financement de l’adaptation est source de complexité. Il existe une trentaine d’aides disponibles et non cumulables. Pourquoi ne pas mettre en place un guichet unique ?

Nous sommes aussi confrontés parfois à des problèmes dans des résidences livrées en VEFA* quand des travaux supplémentaires sont nécessaires pour adapter l’accès au parking par exemple.

J’estime aussi qu’il faudrait être plus proactif dans les résidences où aucune réhabilitation n’est prévue. Notre marge de progression se situe dans la prévention quand le logement n’est plus adapté.

Les projections sur le vieillissement de la population

Source solidarité.santé.gouv.fr

Les personnes âgées de plus de 60 ans

2018 : 15 millions

2030 : 20 millions

2060 : 24 millions

LEXIQUE

CARSAT : Caisse d’Assurance retraite et de santé au travail
CCAS : Centre communal d’action sociale
GIPH : Groupement pour l’insertion des personnes handicapées
MDPH : Maison départementale des personnes handicapées.
PMR : Personnes à mobilité réduite
TFPB : Taxe foncière sur la propriété bâtie
VEFA : Vente en état futur d’achèvement


SOliHA, Solidaires pour l’habitat est un acteur de l’économie sociale et solidaire qui intervient au profit des ménages les plus modestes, notamment dans l’adaptation des logements au vieillissement, la lutte contre l’habitat indigne, etc.