Comment le Village des athlètes est parvenu à diviser par deux les émissions carbone

Réemploi et recyclage, construction bioclimatique des bâtiment, recours au bois et au béton bas carbone, transport fluvial, etc. Les constructeurs du Village des athlètes ont joué sur tous les leviers pour réduire drastiquement les émissions des bâtiments pendant la phase de construction, mais aussi après. Ils ont ainsi préfiguré la ville bas carbone de 2030, en permettant aux porteurs de solutions innovantes de les déployer et massifier.
Quel était l’objectif fixé aux concepteurs du Village des athlètes ?
L’ambition de la Solideo, la société de livraison des ouvrages olympiques chargée de construire les ouvrages pérennes des différents sites était exigeante : faire de cette édition 2024 la première alignée sur l’accord de Paris en posant une première étape vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les objectifs de décarbonation sont sans précédent : réduire par deux les émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à une construction classique. Cet impératif s’applique aussi bien à la phase de construction qu’à celle de l’exploitation des bâtiments. Non seulement les chantiers doivent générer le moins d’émissions possible, mais la conception des bâtiments doit également permettre une réduction drastique de la consommation de chauffage et une climatisation naturelle.
Quels sont les différents leviers utilisés par les constructeurs ?
L’idée est de jouer sur tous les leviers possibles pour parvenir au final à une division par deux des émissions de GES : recyclage et réemploi des matériaux, recours à des matériaux biosourcés et bas carbone, transport fluvial pour limiter les déplacements par camions, conception bioclimatique des bâtiments, etc.
Comment l’objectif de division par deux des GES a-t-il été calculé ?
L’ambition affichée par la Solideo était de diviser par deux les GES… mais par rapport à quoi ? Elle s’est basée sur les standards de 2019 du secteur de la construction et la réglementation thermique en structure béton de l’époque. L’ensemble des dispositifs mis en place ont permis une réduction de 47 % des émissions par rapport à ce standard.
Quels matériaux ont été privilégiés ?
Le bois est le matériau roi de la ville bas carbone. Le parti pris du Village des athlètes a donc été de massifier sa présence, et non de le réserver aux réalisations les plus emblématiques. Son utilisation pour les structures des ouvrages a été rendue quasi systématique pour les bâtiments de moins de 28 mètres de haut. 100 % des bâtiments du Village des athlètes font intervenir du bois en structure et 49 % ont adopté une structure tout en bois.
Par ailleurs 100% du bois utilisé provient de forêts éco-gérées et 30 % des forêts françaises.

De son côté, l’impact du béton a été considérablement réduit grâce à l’utilisation de formules innovantes de béton bas carbone. Le quartier des Belvédères notamment, porté par le groupement Nexity, Eiffage Immobilier, CDC Habitat, Groupama et EDF, a opté pour un mode constructif frugal bois/béton bas carbone. 100 % des bétons préfabriqués pour les prédalles, prémurs et escaliers sont bas carbone.
Quel rôle a joué la Seine ?
La proximité du fleuve a donné des idées à la Solideo : pourquoi ne pas l’utiliser pour limiter les émissions de carbone dues aux va-et-vient des camions transportant matériaux de construction et déblais ?
La circulation de plus de 25 000 camions a ainsi été évitée grâce au transport fluvial. Sachant qu’une tonne transportée par le fleuve produit cinq fois moins de CO2 que le transport routier.
Quels étaient les objectifs de réemploi et de recyclage imposés aux constructeurs ?
Le secteur du bâtiment utilise beaucoup de ressources et produit des déchets. D’où l’importance du réemploi des matériaux ou de leur recyclage (en les transformant), qui sont au cœur de l’économie circulaire.
Les cahiers des charges imposés aux constructeurs par la Solideo ont fixé deux règles… Au moins 10 % des approvisionnements devaient être issus du réemploi, à l’échelle de chaque ouvrage. Par ailleurs, 75% des matériaux provisoires mis en place durant la compétition devaient pouvoir être démontés et réemployés sur place pour les aménagements définitifs ou sur d’autres chantiers. Saint-Gobain a notamment déployé des cloisons démontables en plâtre, dotées des mêmes caractéristiques acoustiques que des cloisons classiques. C’est une première : jamais ce matériau n’a été réemployé à cette échelle.
Au moment de la déconstruction des ouvrages existants, les éviers et équipements électriques seront revendus à des particuliers par le biais d’une plateforme de réemploi. Par ailleurs, les sièges des gradins du centre aquatique olympique ont été fabriqués à partir de plastique recyclé.
De la même manière, le béton issu de la déconstruction a été récupéré et recyclé pour fabriquer les chemins empruntés par les ouvriers sur les chantiers.



Quels sont les bénéfices apportés par la conception bioclimatique des bâtiments ?
Concevoir un immeuble pour limiter sa consommation future en énergies : c’est tout le pari de la conception bioclimatique, généralisée sur l’ensemble du Village des athlètes.
Pour limiter la consommation liée au chauffage l’hiver, les bâtiments bénéficient d’une bonne isolation, offrant une étanchéité à l’air importante. Pour un confort d’été sans recours à la climatisation, les logements sont traversants et disposent de protections solaires permanentes. Plus de 1 200 logements sont dotés d’un plancher chauffant/rafraîchissant qui vise à garantir une régulation thermique optimale. En mode chauffant, ce dispositif assure une température de 19°C. En mode refroidissant, l’eau froide circulant dans les tubes peut faire baisser la température de 5 à 7 degrés l’été.
Le quartier des Quinconces, porté par le groupement Icade, la Caisse des Dépôts, et CDC Habitat, reprend tous les principes de la conception bioclimatique : les logements bénéficient d’une double orientation et un jeu sur les hauteurs de chaque bâtiment maximise l’ensoleillement pour chaque logement. L’été, une forêt fraîche au pied des immeubles permet de faire baisser de plusieurs degrés la température en cas de forte chaleur. Prolongée par des jardins sur les toits, celle-ci contribue à lutter contre les îlots de chaleur.

Qu’est-ce qui est prévu pour limiter la consommation d’énergies fossiles ?
Les énergies renouvelables et locales, ainsi que les énergies de récupération sont privilégiées. Une grande partie des toitures est équipée de panneaux photovoltaïques, une énergie que les bâtiments vont utiliser. La géothermie est également de la partie. Des forages dans la nappe à 80 mètres sous terre font remonter l’eau : les calories sont récupérées au moyen d’un échangeur et valorisées grâce à une pompe à chaleur.
Dans le secteur des Belvédères, le bâtiment tertiaire s’est doté d’un pilotage énergétique innovant, qui associe solaire photovoltaïque, stockage d’électricité et utilisation des batteries de véhicules électriques comme source d’énergie.
Un dernier coup de pouce : la réversibilité des bâtiments
Décarboner l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment, c’est aussi limiter l’impact carbone de ses transformations futures. En mettant l’accent sur la réversibilité des bâtiments, la Solideo a apporté la touche finale à son projet de décarbonation du Village des athlètes. Les logements prévus pour accueillir les sportifs sont conçus dès le départ en mode réversible : des modifications mineures et des jeux de cloisons, sans conséquence sur la structure du bâtiment, leur permettront d’accueillir des familles dans la phase héritage