À Sarcelles, la mue innovante des «Biscottes» 

À Sarcelles, la mue innovante des «Biscottes» 

Les résidences Paul Valéry et Provence, dites les « Biscottes » appartiennent aux 4 350 logements sociaux que CDC Habitat possède à Sarcelles. Construites dans les années 1960 par les architectes Roger Boileau et Jacques Henri-Labourdette, elles font aujourd’hui l’objet d’une réhabilitation en profondeur, en particulier des façades. Sur la face nord des deux bâtiments, le choix a été fait de les remplacer intégralement… Une innovation technique en site occupé.

Dès la sortie de la gare RER, elle se dessine à l’horizon sur l’avenue Paul Valéry. La résidence du même nom, à quelques mètres d’une station du T5, est toute en longueur : onze étages, cinq cages d’escalier, deux appartements par étage, cent dix logements. Un trait dans la ville. « Une des caractéristiques de ce type de construction, peu profonde en largeur, est d’offrir des logements traversants, lumineux et bien distribués avec des balcons exposés sud », rappelle Marie-Noëlle Moreau, responsable de projet à la direction de la maîtrise d’ouvrage de Grand Paris Habitat et en charge du suivi de ce chantier. Les Biscottes témoignent également des techniques de construction à l’œuvre à la fin des années 1950 pour pallier le manque de logements. Les façades sont en aluminium et isorel. Fines et légères, elles sont loin de répondre aux standards actuels en matière de confort thermique, acoustique et de sécurité incendie…

Située dans le quartier Les Friches, la résidence Paul Valéry fait face à quelques centaines de mètres de distance à la résidence Provence, réplique de 50 logements dans le quartier des Flanades… Leur réhabilitation a été programmée par CDC Habitat en partenariat avec la municipalité de Sarcelles dans le cadre du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU). Un choix politique. À Lille, deux barres Biscottes ont été dynamitées en 1989.

« Plutôt qu’une démolition, nous avons préféré réhabiliter les résidences, ce qui permet de continuer à proposer aux locataires des logements présentant une réelle qualité d’usage à des loyers attractifs pour leur taille et par la même occasion de revaloriser le cadre de travail des équipes de proximité », souligne Marie-Noëlle. Il est 15 heures. À l’arrière de l’immeuble, Pierre-Olivier R. l’attend pour la visite de chantier. Il est directeur d’exploitation chez Léon Grosse Iris, l’entreprise générale spécialisée dans les travaux de rénovation en site occupé qui a remporté le marché de conception-réalisation en groupement avec Equateur, l’agence d’architecture et Alterea, bureau d’études techniques.

Trouver la solution technique adaptée

Les marchés de conception-réalisation sont souvent l’opportunité de mettre en œuvre des solutions innovantes. « En 2018 à Sarcelles, avec le même groupement, nous avions déjà été retenus par CDC Habitat pour réhabiliter la résidence Ravel. Il s’agissait d’une rénovation thermique classique avec pose de panneaux isolants en façade. Pendant la préparation de chantier, un incendie s’est déclaré dans un logement, le feu est monté très vite et le maire nous a demandé de trouver une solution rapide pour assurer une meilleure protection incendie sur ce type de bâtiment. On a proposé la technologie Techniwood qui offre la possibilité de remplacer intégralement la façade en milieu occupé, avec une fonction coupe-feu jusqu’à 90 minutes. », explique Pierre-Olivier. Techniwood ? Cette entreprise française, spécialisée dans la préfabrication hors-site de façades à base de matériaux biosourcés, a breveté un concept unique de mur à ossature bois : Panobloc®.

Concrètement, il s’agit d’un treillis structurel constitué de plis en lames de bois croisées à 90° et de bandes isolantes en laine de roche. En France, cette solution a été la première du marché à permettre d’appliquer des « murs rideaux » sur une structure en béton ou en acier pour des bâtiments d’habitation classés jusqu’à la 4ème famille (dernier classement sécurité incendie avant les IGH*). Fabriqués sur-mesure en Savoie, les parois sont livrées équipées avec parement, portes et fenêtres. Une simple grue mobile et des nacelles suspendues suffisent pour les poser. « Cette solution est particulièrement intéressante sur les façades nord des Biscottes qui contiennent des éléments en amiante. Le risque de détérioration lors du remplacement des menuiseries extérieures était trop grand », argumente Marie-Noëlle. Au pied de la résidence, tout est prêt pour « habiller » les deux derniers étages de la deuxième cage d’escalier.

*Immeuble de grande hauteur.

« Plutôt qu’une démolition, nous avons préféré maintenir à la location des logements qu’aux normes actuelles on ne pourrait économiquement plus construire ».

Marie-Noëlle Moreau, responsable de projet à la Direction de la Maîtrise d’ouvrage de Grand Paris Habitat

Un process bien rôdé

D’en bas, on voit les cloisons provisoires en retrait de la façade et les garde-corps qui sécurisent le travail des ouvriers. « Avec l’expérience de Ravel, nous avons apporté deux améliorations. Les cloisons provisoires sont désormais isolées pour conserver la chaleur et réduire le bruit extérieur. On les a également fractionnées pour faciliter la manutention dans les logements. Et les garde-corps sont à pression, ce qui évite de poinçonner les planchers chauffants », fait remarquer Abdellah H.M., chef de service qui seconde le directeur d’exploitation.

Le remplacement de la façade se déroule selon un scénario immuable. Avec un séquençage par cage d’escalier. Pour commencer, montage des cloisons provisoires, installation des garde-corps et mise en place des nacelles suspendues. « La pose des cloisons est la partie la plus compliquée et la plus longue car il faut obtenir l’accord des locataires pour accéder à leur logement le jour J. Au préalable, ils doivent avoir dégagé un espace d’un mètre cinquante dans les chambres et la cuisine. Tous ont été informés et ont reçu un courrier de rappel un mois avant l’intervention, mais on repasse les voir une semaine avant pour confirmer et vérifier que la pose des cloisons est possible. Dans certains cas, nous avons été autorisés à déposer les éléments de cuisine », ajoute Hassine B., responsable du chantier.

Ce travail de préparation est mené en étroite concertation avec Marie-Noëlle et les équipes de proximité de CDC Habitat qui se montrent très impliquées Une fois les cloisons installées – en une semaine si tout se passe bien – la suite est un jeu de Lego.

Désamiantage, dépose, pose

Au sol, les Panobloc® attendent. Ils sont livrés toutes les trois semaines, par 30 unités pour une cage d’escalier. Une équipe de désamianteurs est venue déposer les allèges et le linteau qui contenaient de l’amiante. Les déchets ? Ils sont tracés et évacués avant d’être traités dans un centre dédié. Le désamiantage achevé, des façadiers ont pris le relais pour retirer le bardage, enlever les fenêtres et dévisser l’ossature métallique. Pour finir, ils ont positionné avec précision les platines de fixation des Panobloc®. Il y en a tous les 60 cm sur deux panneaux de 8 mètres et un de 4m qui constituent un niveau de façade. « Il faut toujours percer, mais comme les panneaux se fixent sur le nez de dalle, il n’y a pas perte de surface habitable. C’est un avantage », retient Marie-Noëlle. La grue s’active. Deux ouvriers réceptionnent les modules et les positionnent. En un peu plus de deux heures, les deux étages sont habillés.

Avec les Panobloc® trois plis, les murs ont gagné en épaisseur, de 10 cm à 27 cm… À l’extérieur, la façade est recouverte d’un bardage métallique gris clair qui rappelle la façade d’origine, à l’intérieur d’une contre cloison acoustique. Il aura fallu cinq semaines pour achever la cage d’escalier dont 3 jours seulement pour la pose des panneaux.

Entre nuisances temporaires et bénéfices durables

La technologie Techniwood permet de répondre aux objectifs fixés par CDC Habitat pour cette opération en termes de performance thermique, acoustique, de sécurité incendie et de confort avec notamment la pose de volets roulants dans les chambres et les cuisines. D’autres techniques ont été choisies sur les pignons et la façade sud. « Au final, la consommation globale d’énergie devrait passer de 155 à 58 kwh/m2 par an et l’étiquette de D à B…  L’objectif est d’obtenir la certification NF Habitat et BBC Rénovation. Au passage, les 2 700 m2 de façade bois capturent 52 tonnes de CO2 », détaille Pierre-Olivier.

Mais le principal bénéfice, c’est la rapidité de mise en œuvre en site occupé. Tout est réalisé en usine. La qualité est maîtrisée en amont. Le chantier produit très peu de déchets. Enfin, la pose des panneaux requiert des équipes plus légères. En rythme de croisière, une cinquantaine d’ouvriers travaillent sur les Biscottes. Sur la façade nord, tous les sous-traitants sont agréés Techniwood et formés. Économiquement, si cette solution s’avère plus chère qu’une rénovation thermique classique, son coût est compensé par les économies de main d’œuvre sur le chantier. Restent les « coûts » cachés.

Pour être rapides, les travaux doivent être parfaitement préparés en amont afin de garantir leur bonne synchronisation. « Cela prend du temps car le procédé est très intrusif et exige un investissement humain important », reconnaît le directeur d’exploitation. « On entre chez les gens, dans leur intimité. Il faut expliquer, rassurer », confirme Djedjiga B., conductrice de travaux logements. À l’écoute, elle coordonne les travaux intérieurs de ventilation, chauffage, électricité, plomberie et le changement des portes palières. Le bruit, la poussière, l’immobilisation de certains équipements qu’il faut stocker tout en continuant d’habiter le logement perturbent le quotidien des locataires. A cet égard, la démarche d’accompagnement mise en œuvre par l’entreprise à la demande de CDC Habitat est essentielle pour en limiter l’impact. Fin 2023, au terme d’un an et demi de travaux, les locataires pourront jouir en toute tranquillité d’un logement bien plus confortable et agréable à vivre.