À Bron (69), dans l’est de la Métropole Lyonnaise, CDC Habitat avec Edouard Denis Promotion ont transformé un ancien immeuble de bureaux en résidence dédiée au coliving – une forme d’habitat partagé, adossé à des services, qui séduit de plus en plus de publics mobiles. Entretien avec Charlotte Le Marec, responsable développement Grands Projets chez CDC Habitat.

Le coliving, c’est une nouvelle forme de colocation ?

Disons que c’est une alternative à la colocation traditionnelle, un format où l’on retrouve cette dimension collective, mais avec plus de confort et plus d’autonomie. On a toujours des espaces communs, où les résidents peuvent se croiser et partager un moment ou un repas, mais au lieu de n’avoir qu’une chambre comme en colocation, les résidents ont chacun leur studio – avec kitchenette et salle d’eau. Les lieux sont également gérés par une structure qui va proposer des services annexes, gratuits ou payants, et même parfois des animations pour faire vivre le site. C’est donc une version plus cosy voire plus « haut de gamme » de la colocation.

À qui s’adresse ce type d’habitat ?

C’est typiquement un habitat transitoire qui va attirer des publics plutôt jeunes, étudiants mais surtout jeunes actifs, ainsi que des professionnels en mission temporaire ou en mutation, des personnes divorcées qui ne souhaitent pas se retrouver seules, parfois quelques seniors… Ce n’est pas une solution pérenne, d’autant plus que c’est une offre qui a un certain coût, et la moyenne des séjours tournent entre 6 mois et un an. Dans le cas de Bron, ce format a semblé particulièrement pertinent car nous sommes à proximité du secteur des hôpitaux de l’est lyonnais, très dynamique et qui attire beaucoup de professionnels en mobilité, des jeunes en début de carrière…

Comment le site a été imaginé ?

C’est un immeuble en R+4, avec une sorte de sous-sol où l’on trouve le local vélo et les locaux techniques, qui a connu plusieurs vies. Il y a eu une clinique pendant un temps, puis les bureaux de la Croix-Rouge. Le site a été entièrement rénové et une extension construite pour augmenter encore la capacité d’accueil. Sa particularité est de fonctionner par étage : chaque niveau propose un très grand appartement de coliving, avec une vingtaine de studios indépendants, tous articulés autour d’une partie commune centrale d’environ 80 m2 – avec une très grande cuisine, une salle à manger, un coin TV, une laverie/buanderie… La résidence dispose aussi d’un grand jardin partagé, d’une chambre d’ami en location et de nombreux services sont proposés aux résidents – dont une voiture électrique en autopartage.

Qui gère le lieu ?

C’est Compose. Il s’agit d’une structure dédiée au coliving, qui gère plusieurs sites à Lyon, Nantes ou Bordeaux, et qui met à disposition sur chaque résidence un référent et un intendant. C’est d’ailleurs l’équipe de Compose qui a imaginé l’organisation opérationnelle du site avec le Groupe Edouard Denis, avant même que CDC Habitat ne se porte acquéreur du projet avec l’appui du GIE Générations (le pôle dédié aux résidences gérées et au médico-social créé en 2020 par CDC Habitat). Nous avons ensuite porté le chantier de réhabilitation RT 2012 ensemble et affiné la partie technique, notamment l’extension du site qui a permis de créer 4 studios supplémentaires par étage.

D’autres projets de ce genre verront-ils le jour ?

C’est notre premier projet de coliving sur la région Auvergne-Rhône-Alpes mais pas au niveau national. Nous travaillons à chaque fois avec des spécialistes comme Compose ou Colonies pour proposer une offre réellement adaptée à un besoin, en l’occurrence les publics mobiles à la recherche d’une solution temporaire et « clef en main ». Ce sont des produits finalement assez rares comme on a pu l’observer avec la commercialisation de cette résidence sur Bron : l’ouverture n’est prévue qu’au 15 juillet mais les 94 studios ont déjà tous trouvé preneurs. C’est la preuve que la demande est là.

Dans le prolongement de la convention nationale signée par CDC Habitat et l’AFEV, la direction régionale Auvergne-Rhône-Alpes a choisi de mener une première expérimentation de KAPS (Kolocation à Projet Solidaire) sur la résidence Jacques Brel de Grenoble.

Depuis début septembre, ce sont des occupants d’un nouveau genre qui ont pris leurs marques au sein de la résidence Jacques Brel de CDC Habitat à Grenoble. Les « kapseurs » ne sont pas des colocataires comme les autres : ils ont en effet choisi de participer à une Kolocation à Projet Solidaire (KAPS), un concept déployé depuis une dizaine d’années en France par l’AFEV et qui permet à des jeunes âgés entre 18 et 30 ans d’accéder à un logement abordable en échange d’un loyer modéré et de quelques heures hebdomadaires de bénévolat au service de la vie de quartier ou de la résidence.

« Nous avons de plus en plus de demandes de jeunes et de moins jeunes qui cherchent d’autres modes d’habitat, à la fois moins coûteux et plus conviviaux », souligne Aurélie Poncet, chargée de gestion locative et commerciale chez CDC Habitat. « La colocation notamment a le vent en poupe, sous toutes ses formes : intergénérationnelle, solidaire… Le projet Kaps que nous avons mis en place à Grenoble avec l’AFEV s’inscrit dans cette volonté de favoriser l’insertion et l’accès au logement de certains publics, tout en redonnant du sens au quotidien et en créant du lien social ».

C’est dans le quartier prioritaire de La Villeneuve que CDC Habitat a identifié dans son patrimoine les logements les plus adaptés au dispositif. Au total, 8 appartements (5 T3, 2 T4 et 1 T5) de la résidence Jacques Brel sont désormais mis à la disposition de l’AFEV qui pourra accueillir jusqu’à 20 jeunes. « Les trois quarts des logements ont déjà trouvé des occupants depuis septembre », précise Léa Jeddi, responsable locale de l’AFEV qui se charge d’identifier les colocataires potentiels. « Ce sont des profils mixtes, avec des étudiants, des volontaires en service civique, mais aussi de jeunes salariés et des demandeurs d’emploi. La plus jeune a 19 ans et le plus âgé fêtera bientôt ses 30 ans, ce qui permet d’avoir un panel large pour poser les bases du projet social ».

La résidence Jacques Brel

L’autre particularité des Kaps est de demander à ses colocataires de s’impliquer de 2 à 5 heures par semaine dans des animations solidaires au service du quartier. Le projet social est défini directement par l’AFEV avec les jeunes, selon leurs envies, leurs compétences et leur emploi du temps : aides aux devoirs, travail avec les associations locales, jeux, animations… il y en a pour tous les goûts, toutes les sensibilités et tous les talents. « L’important pour que la dynamique prenne est que les jeunes soient moteurs », reprend Léa Jeddi. « Parmi les premiers projets mis en place sur Jacques Brel, plusieurs jeunes participent aux ateliers de réparation du Repair Café, avec l’association la Machinerie, pour remettre à neuf les radiateurs, téléphones ou vélos des habitants du quartier. D’autres font du soutien scolaire, ou encore des animations de lecture en pied d’immeuble avec l’association Madame Rutabaga ».

Des échanges sont également en cours avec l’association des locataires de la résidence Jacques Brel pour la mise en place d’animations ponctuelles, ou avec la ville et d’autres associations locales pour redynamiser l’un des jardins collectifs du quartier laissé à l’abandon. Les jeunes eux bénéficient du suivi de l’AFEV qui les accompagne dans ce nouveau rôle, en leur proposant notamment des formations à la prise de parole en public. « Tout cet investissement quotidien permet de créer une émulation au niveau local qui bénéficie à l’ensemble des locataires et même au-delà », conclut Aurélie Poncet. « Nous sommes dans un quartier qui vivait bien il y a quelques années mais qui a connu un petit creux, et nous sommes persuadés que ce projet va participer au nouvel élan qui est en train de se mettre en place ».