Comment réinventer la concertation locative ?

#1. Transformer une obligation en opportunité

Si la loi fixe un cadre réglementaire à la concertation locative, CDC Habitat a choisi de porter la démarche encore plus loin, en multipliant initiatives et expérimentations au niveau local. « Associer les habitants permet d’apaiser les relations, c’est un gage de sérénité pour les années à venir », souligne Guillaume Gauthier, chargé de mission concertation chez CDC Habitat. « Sur des projets très longs, comme les réhabilitations de type NPNRU, cette relation est essentielle pour pérenniser les investissements ». Plusieurs projets font ainsi l’objet d’une concertation élargie, menée très en amont et avec l’appui de prestataires choisis spécialement pour l’occasion. La démarche peut, dans certains cas, aller jusqu’à la co-construction de certains pans du projet.

#2. S’inscrire dans une démarche partenariale de long-terme

Si la phase de concertation est l’occasion de nouer un dialogue récurrent avec les habitants des quartiers concernés par les opérations, CDC Habitat souhaite impliquer l’ensemble des acteurs locaux dans cette démarche éminemment collective, à commencer par les collectivités. Les associations locales et les représentants des locataires doivent également être parties prenantes du projet, ce qui nécessite d’anticiper largement la concertation bien avant le dépôt du permis de construire et parfois même de s’appuyer sur une assistance à maîtrise d’usage comme c’est le cas à Epinay-sur-Seine (voir encadré).

#3. Se fixer des objectifs concrets, ambitieux et réalisables

« La concertation ne va pas tout résoudre mais c’est un réel atout pour créer une dynamique collective », prévient Guillaume Gauthier. « Nous venons avec notre expertise technique et les habitants, eux, viennent avec leur expertise d’usage : la concertation est le meilleur moyen de confronter les deux visions ». Pour éviter que les échanges ne se concentrent sur des problèmes trop spécifiques et pas représentatifs, CDC Habitat fixe un cadre et des sujets préalables pour la concertation collective (les parties communes, les espaces verts mais aussi la vie culturelle et associative) et un autre pour des échanges individuels avec les habitants sur l’aménagement des appartements. Pour autant, la concertation est aussi l’occasion de faire émerger des problématiques non-identifiées et de les intégrer à la programmation finale.

#4. Se donner les moyens de recueillir un maximum de témoignages

La démarche de concertation locative élargie portée par CDC Habitat s’appuie à la fois sur des outils classiques comme les incontournables réunions publiques, mais aussi sur de nouveaux supports comme des ateliers participatifs, des consultations en ligne, des questionnaires personnalisés via une application smartphone… En démultipliant les canaux, l’objectif est de toucher un maximum de monde et d’enrichir la réflexion tout en l’inscrivant dans la durée. « L’idée n’est pas de concentrer la concertation sur un mois mais d’avoir une régularité d’action qui permette aux gens de prendre leur temps, de s’approprier le projet qu’on leur présente et de nous faire part de leurs remarques et de leurs envies ».

#5. Savoir démarrer et conclure la démarche

Une concertation réussie, c’est un objectif de départ, un chemin et une conclusion. Chaque étape (réunion publique, sondage en ligne) est systématiquement suivie d’un compte-rendu écrit qui permet de graver dans le marbre ce qui a été dit et surtout ce qui a été décidé. « Il est important que les gens voient les choix qui ont été faits suite à leur prise de parole, qu’ils n’aient pas l’impression qu’on les a juste fait participer pour la forme », précise Guillaume Gauthier. Pour autant, une concertation réussie n’aboutit pas forcément à des modifications en profondeur sur le projet. « On ne mesure pas la réussite de la démarche à des changements mais à la manière dont les décisions ont été comprises et parfois acceptées ».

#6. Arrêter une méthodologie cadre

Les projets sur lesquels CDC Habitat mène actuellement une concertation élargie sont l’occasion pour le Groupe de multiplier les initiatives et les partenariats. Une fois les résultats consignés et analysés, une méthodologie cadre, recensant les bonnes pratiques identifiées sur le terrain, sera arrêtée pour être ensuite déployée de manière plus globale sur tous les projets d’ampleur qui le nécessitent.

Une concertation « nouveau mode » à Epinay-sur-Seine

Légende : quartier Orgemont à Epinay-sur-Seine / DR

A projet unique, concertation unique. Tel est le leitmotiv de CDC Habitat qui intervient depuis le début de l’année sur le quartier d’Orgemont d’Epinay-sur-Seine. Ce site de plus de 80 hectares, aux grands ensembles typiques de l’après-guerre, a déjà fait l’objet d’un premier programme de rénovation dans le cadre de l’ANRU 1 et est désormais inscrit NPNRU dans le cadre de l’ANRU 2. « Nous avons racheté à Icade 1 102 logements que nous nous sommes engagés à rénover », explique Fanny Thuet, responsable de programmes chez Grand Paris Habitat. « Les réhabilitations ont été scindées en 3 tranches dont une première de 8 bâtiments et 422 logements qui fait actuellement l’objet d’une grande démarche de concertation élargie ».

Le projet visant non seulement la réhabilitation des logements mais aussi celle des parties communes et d’un certain nombre d’espaces collectifs, le choix a été fait, en accord avec la Ville, de réfléchir au meilleur moyen de faire participer un maximum d’habitants et de tendre vers une « co-construction » de certains aspects du programme.  « Nous avons choisi de nous appuyer sur une assistance à maîtrise d’usage, DVTUp, qui propose de replacer l’usager au cœur du projet, grâce à différents types d’événements conviviaux », reprend la responsable de programmes.

Faire participer le plus grand nombre

Dès cet été, les habitants ont été informés du lancement de la démarche et les gardiens, très présents sur le terrain et très souvent questionnés sur le sujet, ont été informés de la manière dont allait se passer la concertation. Puis deux ateliers en présentiel autour de l’aménagement des espaces extérieurs ont été organisés, avec installation de stands dans des lieux très passants du quartier. Deux autres ateliers suivront à l’automne autour des parties communes.

« Pour les logements, nous allons également faire une concertation mais de manière individuelle car ce sont des choix personnels », souligne Fanny Thuet. « Nous avons choisi pour cela un second prestataire, 1001 Rues, qui a lancé début octobre une plateforme qui sera en ligne 3 mois et sur laquelle chaque locataire pourra se connecter avec un identifiant unique pour pouvoir s’exprimer sur les travaux dans son logement et sa résidence ». Chacun pourra ainsi choisir entre plusieurs modèles d’évier, plusieurs couleurs de peinture ou de revêtement de sols. Des fiches travaux, expliquant les différentes interventions prévues, leurs objectifs et leurs gains sont également accessibles – complétées par des vidéos pédagogiques. La plateforme pourra également servir à déposer des réclamations pendant la phase de travaux, et permettra aux équipes de CDC Habitat d’avoir des statistiques complémentaires.

« Pour nous assurer que personne ne soit mis à l’écart, nous organisons également des permanences sur site pour les gens qui n’ont pas d’ordinateur ou ne savent pas bien s’en servir », conclut Fanny Thuet. « Il est essentiel de mener les concertations sur les deux sujets en parallèle, pour à la fois enclencher la dynamique collective et montrer aux gens que ce projet va réellement changer leur quotidien, jusque chez eux ». La réhabilitation de ces 422 logements n’est d’ailleurs qu’une première étape pour ce projet global qui va entièrement redessiner les contours du quartier dans les 10 années qui viennent, avec 1 000 logements démolis et 1 700 autres construits – un renouvellement urbain que les habitants peuvent découvrir plus largement à la Maison du Projet dans le centre d’Epinay-sur-Seine.